mardi 30 décembre 2008

Le dernier écho

Certains rats ne quittent pas le navire en cette fin d’année, je fais partie de ces irréductibles agents qui aiment travailler les veilles de fêtes ou de fin d’année, d’autant que l’on travaille mieux ainsi : le Caran est fermé au public pour une semaine, ce qui est un gage de tranquillité pour nous qui sommes au département des fonds. J’en profite pour peaufiner notre exposition à venir (que je prépare de concert avec un conservateur du patrimoine) sur les «tribunaux ordinaires de la Révolution» (le titre reste encore à trouver).

Ce thème est en effet ignoré de la plupart des Français qui associent souvent la Révolution aux tribunaux extraordinaires dont le fameux et sanguinaire Tribunal révolutionnaire qui forme la série W des AN (dossiers de procédures, papiers du parquet, archives du greffe, etc.). Moins connu reste le «tribunal ordinaire» de droit commun qui jugeait les crimes et délits nouveaux mais aussi ceux de l’Ancien Régime (ceux pendants au Parlement de Paris). La Constituante se vit donc obligée de créer un tribunal provisoire pour connaître ces procès criminels (c’est le décret du 1er-5 décembre 1790 qui mis en place le Tribunal des Dix). Puis, lorsque les tribunaux d'arrondissement seraient mis en place, on espérait qu’ils recueilleront, outre les procès civils relevant de leur compétence normale, l'arriéré criminel du Châtelet et du Parlement et qu’ils démarreraient des nouveaux procès criminels…mais ce ne fut pas le cas…(c’est que l’on verra dans cette exposition d’environ 80 pièces, donc une exposition «moyenne» prévue pour octobre 2009, et qui demande un travail considérable de repérage des pièces et rédaction de notices)…Pour en finir avec ma phrase, c’est donc le décret du 13-14 mars 1791 qui créa six tribunaux criminels provisoires dans le but d'«instruire et juger tous les procès criminels existants avant le 25 janvier 1791, époque de l'installation des tribunaux d'arrondissement» pour soulager les tribunaux d’arrondissement (établis pourtant par la loi du 25-29 août 1790 mais qui ne furent pas mis en place tout de suite).

Ces six tribunaux criminels provisoires avaient un rôle d'appoint pour soulager les tribunaux d'arrondissement dont les documents, comme on le sait, ont tous été brûlés par les incendies de 1871. À l’inverse, les archives des tribunaux criminels provisoires nous sont parvenues intacts (dossiers d’instruction des affaires, y compris les procédures entamées antérieurement donc, jugements rendus, pièces à conviction dont de nombreux porte-feuilles, des mouchoirs tâchés de sang, des tampons pour imprimer de faux assignats, des limes…bref la panoplie de la victime et du petit malfrat des années 1789). Et ce fonds permet donc d’étudier dans une certaine mesure la mise place de la nouvelle procédure pénale et la requalification des infractions….

Pardon, pardon, je m’égare…

J’avais intitulé ce billet «Le dernier écho» pour vous signaler la livraison du dernier numéro des «Échos du récolement» dont j’avais rapidement évoqué l’existence dans un précédent billet

Celui de décembre est une pure merveille, jugez-en ! pour le lire, il suffit de cliquer sur cette page, puis dans le cadre en haut à gauche : Accueil>Présentation>Le département de la conservation>Les Échos du récolement ou plus simplement en cliquant ici.

Ce sont deux chargés de recherches documentaires, thésarde et chercheur de leur état (l’une sur l’artiste A. Fourgeron et l’autre sur l’historiographie de la vie scientifique en Amérique latine) qui font du récolement (fastidieux pour tous les archivistes) une activité joyeuse et enivrante (ne ratez pas leur menu du récolement pour l'année 2009 et leur feuilleté de registres d'AJ/19 à l'ancienne au pêle-mêle contemporain sauce Rohan-sud ou leur plat de fruits de mer reconditionnés selon arrivage du fonds Marine, leur terrine du fonds Foccart dans ses nouvelles boîtes et enfin leur enivrant vin Côtes de F préliminaire, très bon millésime des caves de Clisson selon le sommelier). Mais comment font-ils pour trouver de telles idées ?

Le dernier écho est aussi celui de la Direction des Archives de France qui disparaîtra l’année prochaine (elle aurait eu plus de 70 ans en 2009) de la maladie de la RGPP qui a frappé toutes les directions du ministère de la Culture…mais on pleurnichera pas sur une disparition, la mort des uns donne naissance à d’autres et si la DAF meurt, alors vive la SAF (c’est dorénavant la nouvelle appellation de la DAF qui deviendra : Service des Archives de France).

Bonnes fêtes de fin d’année à tous !


vendredi 26 décembre 2008

Rapports de bon voisinage


Ce curieux magnétique (genre de plaquette qui orne les supports métalliques telles les portes des «réfrigérateurs») représente des personnages en tenue d’Adam ou en tenue d’Eve (au choix). Si vous l’offrez à une dame sans aucune explication sur le contexte de sa provenance, son origine, son histoire et tout ce qui tourne autour, alors vous êtes bon pour être traité de léger, de pervers, de polisson, voire d’obscène. Dans le cas contraire, vous lui ferez un grand plaisir…

Cette image a été tirée de plusieurs autres de l’Abrégé d'Histoire Universelle de la fin XIVe siècle dont on ignore l’auteur et qui prétend faire toute l’histoire de «la naiffance de Jesus-Christ jufqu'à la fin du quatorzième fiécle de l'Ere Chrétienne, c'eft-à-dire , jufqu'à l'an 1400, Epoque où l'Europe commence à prendre à divers égards (…) [il] comprend tout le tems qui s'eft écoulé depuis le commencement du Monde jufqu'à la naiffance de N. S. Jésus-Christ, ce qui fait au moins quatre mille ans donc depuis La Creation du Monde jusqu'au Déluge.

(…)
(sur cette page, 3e image à partir de la gauche, on retrouve cette allégorie)

Le premier age quoique long, offre peu d'évenemens, mais qui font d'une grande importance. On y voit la création du Monde, l'origine de toutes chofes, l'état du premier Homme , la Loi qu'il reçut de Dieu, fa défobéiflance & fon châtiment ; le genre de vie de fes premiers Defcendans, l’ïnvention de quelques Arts , la généalogie de Noé , la corruption devenue générale fur la Terre, le Déluge qui détruifit toute la race humaine, à l'exception de Noé & de fes enfans, que Diev voulut préferver», etc.

On voit ici dans une prairie ou un verger, le fameux «rusé» sous les traits d’un humain et non d’un serpent (!), enroulé autour de l'arbre de la connaissance (c’est le seul qui porte des fruits), et Adam et Eve qui prennent du plaisir à «manger» (le fruit) ce qui signifie symboliquement «recevoir la lumière» mais sont-ils prêts à la recevoir ou leur est-il interdit de recevoir ce plaisir sous peine d’être bannis du Jardin d'Eden…

C’est la RMN, de concert avec le Musée de l’Histoire de France, qui avait édité en 2007 un coffret de ces images pour en faire des jeux pédagogiques plaisants ou d’amusants mais délicats magnétiques (un coffret de jolis bestiaires, des chartes ornées, des lettrines, etc.) dont je m’étais procuré lors de la journée «Lire en Fête» d’octobre dernier et que j’ai offert à ma voisine, au domicile de laquelle j’avais remarqué naguère de pareils gadgets sur la porte de son «réfrigérateur» ornée de la ville de Berlin, du dernier Airbus A748, de personnages loufoques.

Ma voisine a bien pris ce cadeau de Noël, pas d’incompréhension ou d’équivoque, ni d’indécence ou d’inhibition et encore moins de pudicité mais tout dans le séant, le respect, l’assentiment et dans l’adhésion de partager les choses de l’esprit (dès lors qu’elles sont bien expliquées)…je me demande bien ce que je pourrais lui offrir l’année prochaine…

mardi 23 décembre 2008

Annonce légale

Trouvé et lu dans le "Le Moniteur officiel" du 31 août 1883 (dans le dossier Dhoste, Paul Louis Clément, né le 10 juin 1850, médecin de la Marine, LH/3212), cette annonce légale :

On fait savoir à tous qu’il appartiendra que par acte de renonciation fait au greffe du tribunal de première instance de Pondichéry, en date du 10 août 1883, la dame Tetaravoumariammalle, dite Ammaniammalle, fille de Sinnassamynaïk et veuve de Gnanapragassanaïk, de caste vannja, demeurant à Pondichéry, renonce purement et simplement à la succession de son mari Gnanapragassanaïk, décédé à Nellitope, le 24 septembre 1882, comme étant plus onéreuse que profitable.
signé : A. Divianaden


Très joli. C’était au temps des comptoirs indiens et des établissements français dans l’Inde.

samedi 20 décembre 2008

Le Découvertes Gallimard sur les Archives

Fort de nombreuses illustrations (ce qui fait son succès), il porte le n° 536 dans la collection Découvertes Gallimard, il fait environ 130 pages, le titre complet est «Les Archives. Mémoire de la France», son auteur n’est plus à présenter, il s’agit de Jean-Pierre Babelon, mais il n’est pas le seul hélas…

Au risque de froisser de nombreux collègues et amis des AN, voilà un ouvrage attendu depuis plusieurs décennies (depuis que le «Découvertes Gallimard» sur la BnF avait paru dix ans auparavant) et à l’instar de la nouvelle loi des Archives (aussi attendue depuis 30 ans), on a accouché d’une souris (et moche de surcroît).

Car en réalité, au delà de la notoriété de cette collection que personnellement je trouve hideuse, informe et repoussante (les images se superposent aux textes, qui deviennent de par le fait, illisibles), mal faite et difforme (les textes et les marges se confondent), ça c’est la forme, mais il y a pire : le fond, la matière écrite en somme, celle-ci est franchement indigne de la part de professionnels.

«Les Archives. Mémoire de la France» est farci de fautes en tout genre…

Le résumé est pourtant très alléchant : "lois, décrets, actes notariés, registres comptables, lettres, télégrammes, notes manuscrites, cartes et plans, affiches et photographies, enregistrements sonores, films, fichiers numériques... Tous ces documents ont vocation à venir un jour aux « Archives ». (…). Modestes ou prestigieux, ils sont la mémoire vivante de la France. Comment ce patrimoine s'est-il enrichi au fil du temps? Selon quels critères un document est-il préservé ou éliminé? Comment et par qui est-il classé, inventorié, conservé, étudié, valorisé ? Pour qui et à quelle fin? Autant de questions auxquelles répond Jean-Pierre Babelon. Guide émérite, il nous fait découvrir le monde méconnu des archives".

En fait, pour les auteurs, c’est davantage…le monde inconnu des archives…

Écrire que [la] pièce est «un mot peu employé au XXe siècle qui a préféré celui de document» me laisse perplexe. Et plus loin, limiter un document d’archive à «une liste, un lettre, un rapport» ou «au plus petit élément constitutif des archives» me laisse songeur : quelle définition donner alors à un document sonore, un document audio-visuel ou à un document numérique ?

Ensuite on limite la fonction d’un secrétaire de documentation (Sdoc) comme celle d’«aider les chargés d’études documentaires (Ced)» !!! (c’est à la page 114). Et pourquoi pas non plus leur tirer le café ou de passer la serpillière (!). Je connais de nombreux collègues qui se seront pas content de lire de telles inepties d’autant que dans la plupart des cas, les Sdoc sont plus dégourdis que les Ced qui pour les 9/10e d’entre eux, n’étaient que de simples documentalistes, qui d’un coup de crayon (ministériel) ont intégré le corps des Ced il y a 10 ans (corps très prestigieux avant cette intégration massive de documentalistes puisque le corps ne comptait qu’une poignée de chargés d’études) et je ne parle même pas des vacataires et contractuels qui se sont entretenus une petite demi-heure devant un jury de pacotille et qui ont ainsi intégré le corps des Ced…on a eu, qui plus est, le toupet de nommer ce simple entretien de… «concours», de concours «Sapin» pour être précis!. Il suffisait pourtant aux Babelon et consorts d’ouvrir et de lire une quinzaine de secondes les missions et attributions de chacun des corps qu’ils décrivent (décret du 25 octobre 1995 pour les Sdoc et décret du 19 mars 1998 pour les Ced) pour éviter d’écrire de telles âneries…

Bon je vais arrêter là, mais sans me demander pourquoi (à la page 75) avoir cité le nom de Jacques Monicat comme l’un des créateurs de la section des «archives privées» en 1949 ? Pour Bertrand Gille, un des éminents spécialistes des archives d’entreprises, je suis d’accord, mais Jacques Monicat était certes un chartiste reconnu pour ses travaux dans les fonds du minuter central des notaires parisiens et accessoirement comme trésorier de l’AFF et historien dans l’Histoire du peuple français…mais guère plus !

Donc voilà un énième «Découvertes Gallimard» promis à un bel avenir de…décor dans une bibliothèque.

vendredi 19 décembre 2008

Les Grands Dépôts

(un des escaliers en ferronnerie des Grands Dépôts)

Voici la réponse (nettement améliorée évidemment) que j’avais faite à un jeune internaute (un collégien pour être précis) qui m’avait demandé des précisions sur les Grands Dépôts suite à mon billet sur les «rideaux aillagon» : les Grands Dépôts ont été construits dans le futur quadrilatère des Archives nationales (dans le Marais à Paris) par étapes successives sous la monarchie de Juillet puis au début de la 3e République. Ces Grands Dépôts sont venus compléter le palais Soubise (affecté en 1808 par Napoléon Ier aux Archives nationales) devenu trop étroit et franchement incommode (les liasses étaient entreposées à même le sol dans les appartements princiers, puis dans de genre de baraquements de fortune qui ont très vite étaient saturés). J’ai retrouvé dans la collection du Musée (en AE VI b 221) une médaille commémorative par Barre et datée du 3 octobre 1838 sur l’agrandissement de l’hôtel des Archives du Royaume. De même que la l’ancienne collection des archives du Secrétariat (aujourd’hui sous-série AB V) des plans d’agrandissement et de destruction d’anciens baraquements telle la «maison de Daunou» qui était alors plaquée à l’aile est du palais de Soubise.

Aujourd’hui, ces Grands Dépôts abritent les fonds les plus prestigieux (les séries judiciaires de l’Ancien Régime certes, mais aussi, dans ce que l’on nomme familièrement «l’armoire de fer», véritable coffre-fort des Archives nationales installé en 1866, des documents précieux, tels les constitutions de la France, la dernière lettre de Marie-Antoinette, le Serment du Jeu de Paume auquel nous avions consacré un billet, et même le mètre et le kilogramme étalons ainsi que quelques clefs de la Bastille, etc.), le tout dans un décor de hauts rayonnages de bois ceinturés de galeries de circulation auxquelles on accède par des escaliers en ferronnerie (voir image)….

Le musée des AN organise de temps à autre (en dehors des Journées du Patrimoine) des visites guidées de ce lieu habituellement fermé au public : contacts et réservations au 06-10-12-67-27 d’après le prospectus d’octobre 2008 (si le numéro a changé, alors voici le téléphone du musée : 01-40-27-60-96).


lundi 15 décembre 2008

Le Guide des archives judiciaires et pénitentiaires


(extrait du sommaire de ce Guide)

Mieux vaut tard que jamais : aujourd’hui je présente ce guide, publié par le Cnrs en 1992 (aujourd’hui épuisé en librairie) qui m’a rendu de grands services pour la gestion des fonds judiciaires de la section du XIXe siècle. Avant la sortie, en 2004, du «Guide des fonds judiciaires conservés aux Archives nationales, 1789-1940» de Dainville-Barbiche, l’ouvrage de Jean-Claude Farcy a été pour moi (et le demeure toujours au reste) la base de toute recherche dans les fonds du ministère de la Justice et de juridictions nationales, conservés aussi bien aux Archives nationales que dans les autres services (départementales entre autres).

Il valait 650 FF à l’époque. Une fortune ! je l’avais obtenu gratuitement par notre bibliothèque historique qui en détenait 2 exemplaires. Je l’avais tellement utilisé qu’il est aujourd’hui en fort piteux état. À ma collègue qui m’a succédé dans la gestion des fonds judiciaires de la section du XIXe siècle, j’ai conseillé de le télécharger légalement sur le site de Criminocorpus.

Merci à l’auteur de ce site http://www.criminocorpus.cnrs.fr/ (Marc Renneville) de nous partager cette œuvre immense qui présente (après un rapide panorama de la recherche historique actuelle) les institutions judiciaires et pénitentiaires dans leur organisation, compétence et attributions.

La typologie des différents documents qui suit cette présentation est extrêmement utile (Jean-Claude Farcy donne pour chaque document, la législation et une analyse précise de l’information disponible dans leur contenu).

Les fonds d’archives nationaux et ceux des services départementaux sont ensuite présentés (pour chaque fond, les séries et sous-séries sont analysées dans leur contenu et leur intérêt, avec la liste des instruments de recherche disponibles qu’il faudrait aujourd’hui actualiser : voir le site des AN pour les nouvelles ressources).

Les annexes de la dernière partie donnent les listes des ressorts des cours d’appel, des tribunaux de commerce, etc., et enfin des tableaux présentent les nomenclatures des dossiers de la série BB/18 des AN et les principaux documents sériels du fonds du ministère de la Justice.

Je lis sur le site Criminocorpus qu’une mise à jour de ce Guide est envisagée sous forme d’une base de données (avec une indexation enrichie) et donc une consultation plus facile…

Bonne continuation donc à l’équipe de Criminocorpus.

jeudi 4 décembre 2008

Les Archives des ONG


Je suis en congé toute la semaine prochaine, le temps d’accueillir ma «mère Thérésa» ou ma «mère Emmanuelle», au choix… Cela fait en effet très longtemps que je ne l’ai pas vue et je lui dois beaucoup en terme de «philosophie» de la vie. Cela fait 50 ans maintenant qu’elle se consacre aux organisations non gouvernementales à travers le monde et c’est en prenant exemple sur ses actions que je me comporte bien en société (du moins j’essaie !) …Elle est une seconde mère pour moi. Elle m’a appris à aider les plus démunis, à partager ce que j’ai de trop, à «bien vivre» en quelque sorte et surtout, à correctement équilibrer ma vie, faire la part du matériel et du non-matériel, etc.

Mais bon, tout cela reste du domaine privé quelque part…parlons plutôt d’un manuel pratique (comme on parle des ONG, c’est une excellente transition). «Les Archives des ONG, une mémoire à partager. Guide pratique en 60 questions», par Armelle Le Goff, conservateur en chef aux Archives nationales, est en effet un manuel (traduit en plusieurs langues : j’ai les versions portugaise, anglaise, russe, espagnol).

C’est un guide pratique destiné à sensibiliser responsables ou bénévoles des ONG à l’intérêt que présentent leurs archives et à leur donner des conseils pour leur gestion et leur conservation. Ces documents sont en effet d’une importance essentielle, à la fois pour l’histoire des organisations et des sociétés concernées qu’elles reflètent. On peut télécharger ce manuel sur le site du ICA.

Au fond, ce manuel reprend ce que nous avons tous l’habitude de traiter. Et si pour nous, la gestion des archives est, d’une certaine manière «naturelle», elle ne l’est pas forcément pour des bénévoles à qui ce manuel est destiné. Déjà j’aime beaucoup le terme que l’auteur emploie pour désigner les archives, pour elle, ce sont des "graines de mémoire". Elle présente ensuite dans une première partie une ONG (une ONG est-elle une association nationale ou internationale, quelles sont les différences entre les ONG des différents pays?…). Puis «pourquoi ces archives?», qu’est-ce qu’un fonds d’archives? qu’est-ce qu’un dossier?

Dans une 3e partie elle traite des archives des ONG qui est un «pont entre le présent et l’avenir» et comment les gérer au quotidien : pourquoi est-il nécessaire d’avoir une bonne tenue des dossiers. Enfin, que seront ces «graines de mémoire » à plus long terme : il faut en fait et dès aujourd’hui commencer à recenser et à organiser ces archives.

Elle donne des réponses à des questions simples (il y en a 60 très exactement) «Quand et comment faut-il ouvrir un dossier?», «Quelles sont les règles à adopter pour respecter l’intégrité des dossiers?», «Quel ordre établir à l’intérieur d’un dossier?», «Quelles catégories de dossiers trouve-t-on dans les archives d’une ONG?», «Quelle démarche faut-il suivre pour constituer les dossiers d’action?», «Que vérifier avant de clore un dossier?». Comment aussi mieux conserver. Que faut-il éliminer ? Y a-t-il des précautions à prendre avant d’éliminer?, etc.

Elle termine par un chapitre 6 pour les lieux de conservation de ces archives, quels sont les ennemis des archives ? comment s’en prémunir, quelles précautions particulières faut-il prendre pour les archives sonores et pour les archives électroniques, que faut-il faire si un document est déchiré, mouillé, tâché ? comment ranger les dossiers dans le local ? que faire face au coût d’une bonne gestion archivistique ? etc. Elle n’oublie pas de donner des conseils pour trouver de l’aide concernant les archives et se procurer le matériel spécifique?

À mettre dans les mains de tout bénévole ONG mais aussi, par extrapolation, dans les mains de tout citoyen pour gérer ces propres archives. Notons enfin qu’Armelle Le Goff est aussi l’auteur (je ne sais plus trop s’il faut écrire « auteure » ou pas !) d’un guide similaire en 2001 sur les Archives des associations paru à la Documentation française.

mercredi 3 décembre 2008

La normalisation des instruments de recherche (5/5)


(ouvrage paru en 1999 - auteurs : Christine Nougaret et Bruno Galland -
donne les principes et les pratiques élaborés par les archivistes)


Le 27 octobre dernier j’avais été sollicité par la DAF pour intervenir dans une formation sur la «normalisation des instruments de recherche» pour une bonne quinzaine de participants. C’était un rappel de quelques règles d’analyse archivistique et de la typologie des instruments de recherche en somme. Je n’ai rien inventé, j’ai récupéré la grande partie de mon intervention sur la «Pratique archivistique française» ou sur l’«Abrégé d’Archivistique» édité par l’AAF. Voici la dernière partie de cette intervention (en style télégraphique ici puisque la présentation avait été sous powerpoint).

Après quelques définitions toujours utiles et le rappel de l’analyse archivistique et des différentes normes, abordons à présent la typologie des instruments de recherche.

Mais tout d’abord, quelques définitions :

Définition de la série organique
Division organique identifiée par l’archiviste lors de son classement, qui constitue en un ensemble de dossiers maintenus groupés parce qu’ils résultent d’une même activité, se rapportent à une même fonction ou à un même sujet, ou revêtent une même forme. On parle aussi de documents sériels.

Définition du fonds
Ensemble de documents de toute nature constitué de façon organique par un producteur dans l'exercice de ses activités et en fonction de ses attributions. Cette notion s'oppose à celle de collection (qui est une réunion artificielle de documents en fonction de critères communs liés à leur contenu ou à leur support et dont la juxtaposition est le fruit de la volonté ou du hasard).

Analyse appliquée aux niveaux de description les plus élevés
Dans le cas d’un fonds ou d’un sous-fonds, il s’agira généralement du nom du producteur. Au niveau de la série, l’intitulé correspond ordinairement au domaine d’intervention et pour la sous-série, c’est le plus souvent la typologie documentaire.

Exemples :

(AN-site de Paris)
Ministère de l’Intérieur (fonds)
Administration communale (série)
dossiers départementaux (sous-série)

(AD-75)
Préfecture de la Seine (fonds)
Direction des affaires départementales (sous-fonds)
Administration communale (série)
Délibérations municipales (sous-série)

Les instruments de recherche peuvent être synthétiques ou analytiques
Rappel : les masses d’archives comprennent plusieurs niveaux: le fonds, le sous-fonds, la série organique, le dossier, la pièce.

Instruments de recherche synthétiques
Description au niveau du fonds ou du sous-fonds, alors : état des fonds
Description par groupe d’articles, alors : état sommaire, état des versements, guides...
  • Guide par service d’archives.
  • Guide par fonds.
  • Guide par type de documents.
  • Guide par thème de recherche.
  • Procès-verbal de récolement, etc.
  • État des fonds et État des inventaires
  • État sommaire et État des versements
  • Guide par fonds et Guide par thème de recherche
  • P-V de récolement et le guide par service

Les instruments de recherche analytiques
Au niveau du dossier : répertoire numérique détaillé, bordereau de versement
Au niveau de la pièce : inventaire analytique, inventaire-index, catalogue


Exemples

inventaire sommaire
1 H 1. Abbaye de Saint-Jean : privilèges.
1. Confirmation des possessions de l ’abbaye par Honorius III (1218). 2. Confirmation de la bulle précédente par Innocent IV (1245). 3-4. Privilèges accordés par Innocent IV pour ceux qui participeront à la reconstruction de la chapelle (1245).

inventaire analytique
1H1. 1. 1218 n. st., 2 février, Rome, Palais du Latran. Honorius III confirme à l ’abbé et aux frères de Saint-Jean les châteaux, villes et terres ainsi que les droits qu ’ils possèdent dans le diocèse de Langres. Parch. lat. La bulle manque.

Composition d’un instrument de recherche
  1. page de titre
  2. introduction
  3. bibliographie
  4. sources complémentaires
  5. sommaire ou plan de classement
  6. corps de l’instrument de recherche
  7. annexes
  8. index alphabétique

Résumé
Instruments de recherche synthétiques
Description au niveau du fonds ou du sous-fonds (état des fonds) ou description par groupe d’articles (état sommaire, état des versements, guides).
Instruments de recherche analytiques
Description au niveau du dossier (répertoires) ou description au niveau de la pièce (inventaire).

Textes réglementaires relatifs à l’analyse archivistique et aux instruments de recherche
  1. Instructions de la DAF (en ligne sur le site de la DAF)
  2. Note d’information DITN/RES/2007/008, Indexation, état de la question
  3. Circulaire DITN/RES/2005/005, Normalisation de la description archivistique
  4. Instruction DITN/RES/2003-001 du 17 octobre 2003 sur "Guide de(s) sources et guides de recherche. Modélisation"
  5. Circulaire AD 94-8 du 5 septembre 1994, Traitement des archives contemporaines. Indexation. Instruments de recherche
  6. Circulaire AD 98-8 du 18 décembre 1998. Instruction sur le classement et la cotation des archives dans les services d'archives départementales
  7. Circulaire AD 79-6 du 31 décembre 1979. Instruction sur le traitement des documents des archives départementales postérieurs au 10 juillet 1940
  8. Circulaire AD 83-1 du 8 mars 1983. Instruction sur le traitement des archives communales

mardi 2 décembre 2008

La normalisation des instruments de recherche (4/5)

Le 27 octobre dernier j’avais été sollicité par la DAF pour intervenir dans une formation sur la «normalisation des instruments de recherche» pour une bonne quinzaine de participants. C’était un rappel de quelques règles d’analyse archivistique et de la typologie des instruments de recherche en somme. Je n’ai rien inventé, j’ai récupéré la grande partie de mon intervention sur la «Pratique archivistique française» ou sur l’«Abrégé d’Archivistique» édité par l’AAF.
Après quelques définitions toujours utiles et les principes de l’analyse archivistique , abordons à présent les différentes normes (le style est toujours "télégraphique" puisqu'il s'agit là d'un copier/coller d'une présentation en powerpoint).

Définition d’une norme
Texte qui énonce des principes, des règles, types et modèles.
Pas d’obligation à l’utiliser si un texte législatif ne la mentionne pas.
Son application confère une cohérence des savoir-faire d’un métier, une uniformisation nationale voire internationale, un échange facilité.

Structures de normalisation
Structures internationales : ISO, Technical Committee 46 (Information et documentation)
Conseil international des Archives (CIA-ICA) / Comité des standards de description (CDS)
Structures nationales : France, Commission « Information et documentation » (CG 46) de l’AFNOR (Association française de normalisation)
Direction des Archives de France (DAF) : les normes de la description archivistique : Natalis de Wailly (1841) (identification du producteur et respect des fonds), Norme ISAD (G) (1994, 2000), Norme ISAAR (CPF) (1996)

Deux normes essentielles
ISAD (G) : Norme générale et internationale de description archivistique
ISAAR (CPF) : Norme internationale sur les notices d’autorité archivistiques relatives aux collectivités, aux personnes et aux familles

Où trouver les normes ?
Sur le site du Comité international des Archives CIA (ICA) : www.ica.com
Sur le site de la Direction des Archives de France DAF : www.archivesdefrance.culture.gouv.fr

La description archivistique
On appelle description archivistique la présentation intellectuelle et matérielle d’une unité archivistique, faite pour en donner une identification exacte et unique, en expliquer le contexte d’origine et en permettre l’exploitation administrative ou historique. Cette description est régie par la norme ISAD(G)

Les règles de la description archivistique
la description se fait à plusieurs niveaux
la description se fait du général au particulier
à chaque niveau de classement correspond un niveau de description
les informations sont adaptées au niveau de description
les descriptions doivent être liées entre elles
une même information ne doit pas être répétée

Objet de la norme ISAD (G)
Fournit les lignes directrices pour la description archivistique à plusieurs niveaux, sans redondance.
Facilite la recherche et l’échange d’informations sur les archives.
Applicable indépendamment de la forme ou du support matériel des documents.
Ne définit ni les formats d’édition ni les moyens utilisés pour présenter ces éléments.

Les présupposés de la norme
La norme doit être utilisée en respectant les principes suivants :
Description du général au particulier
Fournir uniquement les renseignements appropriés au niveau décrit
Relier chaque description à celle de l’unité de description immédiatement supérieure
Éviter la répétition des informations dans les descriptions archivistiques reliées hiérarchiquement.

Les éléments de description
Éléments de description d’une notice de description archivistique
(regroupés en 7 zones)
  1. Zone d’identification
  2. Zone du contexte
  3. Zone du contenu
  4. Zone des conditions d’accès et d’utilisation
  5. Zone des sources complémentaires
  6. Zone des notes
  7. Zone de contrôle de la description
ZONE D'IDENTIFICATION
Référence
Intitulé / analyse
Dates
Niveau de description
Importance matérielle et support de l'unité de description (quantité, volume ou dimension)
ZONE DU CONTEXTE
Nom du producteur
Histoire administrative/Notice biographique
Historique de la conservation
Modalités d'entrée
ZONE DU CONTENU ET DE LA STRUCTURE
Présentation du contenu
Évaluation, tris et éliminations, sort final
Accroissements
Mode de classement
ZONE DES CONDITIONS D'ACCÈS ET D'UTILISATION
Conditions d’accès
Conditions de reproduction
Langue et écriture des documents
Caractéristiques matérielles et contraintes techniques
Instruments de recherche
ZONE DES SOURCES COMPLÉMENTAIRES
Existence et lieu de conservation des originaux
Existence et lieu de conservation de copies
Sources complémentaires
Bibliographie
ZONES DES NOTES ET DU CONTRÔLE DE LA DESCRIPTION
Notes de l’archiviste
Règles ou conventions
Date(s) de la description

Objet de la norme ISAAR
Permet de relier la description d’un producteur et l’information contextuelle aux différentes descriptions de ses archives, même si celles-ci sont conservées par des services d’archives différents, de même qu’aux descriptions de ressources bibliographiques ou muséographiques relatives à ce producteur.

Cette norme détermine la nature des informations à inclure dans une notice d’autorité archivistique, elle ne fixe aucune règle ou convention sur la manière dont le contenu des informations va être rédigé. Elle propose des orientations sur la manière de relier les notices d’autorité à la description des documents d’archives produits par la même entité, et/ou à d’autres ressources émanant de celle-ci ou qui lui sont relatives. 36 éléments de description d’une notice d’autorité archivistique regroupés en 5 zones : la zone d’identification (5.1.), la zone de description (5.2.), la zone des relations entre différentes notices (5.3.), la zone du contrôle de la description (5.4.), la zone relations entre les collectivités, les personnes et les familles et des ressources archivistiques ou autres (5.5.)

Exemple de la base Etanot (ETAt des NOTaires)
Minutier central des notaires de Paris aux Archives nationales, 122 études de notaires (XVe siècle-1900), chaque notaire fait l’objet d’une notice (soit environ 3000 notaires), etc.

Au prochain billet, introduction à la typologie des instruments de recherche.

jeudi 20 novembre 2008

Bocards et patouillets ou la naissance «du tumulte intestin»

(image tirée de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert)

Savez-vous ce que sont les bocards et les patouillets ? Cela nous renvoie à l’histoire des mines.

C’est l’occasion d’expliquer ces deux termes amusants puisqu’en ce moment je rédige un nouveau type d’instrument de recherche : j’indexe toutes les tables des matières des registres du Conseil général des Mines en F/14/17945 et suivants (années 1831 et suivants) pour reconstituer virtuellement le contenu du registre en utilisant des mots-clés appropriés genre type d’établissement, action, rapporteur, date de la séance, etc. Pour se faire une idée de cet instrument de recherche, voyez celui élaboré par Lionel Latty, IDHE-Nanterre en 2005 pour le Conseil général des Mines du 9 janvier 1811 au 6 septembre 1830 en F/14/17920 à 17944 sur le site des Archives nationales, rubrique Instruments de recherche puis F/14.

Rappelons qu’il existe deux espèces de minerais : celles en masses compactes et celles en grains pour l'autre. Il est donc essentiel de trouver une machine qui puisse s'appliquer à leur différent caractère.

Le bocard est une machine composée d'un patouillet, d'un lavoir et d'un égrappoir, à travers lesquels passe le minerai, je reprends la description extraite d'un mémoire d’un maître de forge à Bayard-sur-Marne et glanée sur internet (je n’ai plus la référence mais il est facile de la retrouver), c’est fort agréable à lire et ne ratez surtout pas la séquence de la naissance «du tumulte intestin»…c’est un peu plus loin dans la description…

«le bocard est composé de deux jumelles perpendiculaires, assemblées et arc-boutées sur une semelle; elles sont distantes l'une de l'autre de 26 pouces pour recevoir cinq pilons 1, 2, 3, 4, 5, de cinq pouces quarrés chacun, auxquels sont assemblés à angles droits des mantonnets de fonte ou de bois, qui répondent à trois rangs de cames de fer, espacées à tiers - point sur la circonférence de l'arbre horizon - en sorte qu'il y ait toujours un pilon levé entre un qui s'élève et un qui retombe; ces pilons sont garnis à la partie inférieure d'une fret et d'une plaque de fer percée de cinq trous, pour recevoir cinq fiches forgées sur l'étampure des trous; au lieu de cette plaque, souvent on met un pilon de fonte, du calibre de la pièce de bois, sur quatre pouces de hauteur : ce pilon de fonte est pénétré d'une queue de fer forgé qui en occupe le centre; cette queue s'enfonce perpendiculairement dans la pièce de bois.

(…)

Lorsque l'arbre hérissé de douze cueilleres et de quatre barreaux est mis en mouvement, il naît un tumulte intestin dans la huche qui agite tout le minerai à fur et à mesure qu'il y est précipité, les cueilleres soulèvent la masse de minerai toujours prêt à se précipiter, les barreaux en passant exactement dans tout le contour de la huche, empêchent par leur mouvement que le minerai ne se cantonne dans les angles; le frottement qui naît de ce mouvement général détache les corps étrangers, délaye les terres glaiseuses ou argileuses qui sont chassées, unies à l'eau par la goulette de décharge 6 ou 7, qui évacue autant d'eau qu'il en entre; les sables fins sont aussi soulevés et entraînés avec l'eau bourbeuse.

Le patouillet à cueilleres sans barreaux ne suffit pas, parce que les cueilleres ne peuvent aller dans les angles de la huche, et qu'elles ne forment qu'une tranchée dans la masse de minéral qui se précipite; les barreaux ne présentent pas assez de surface, mais ils passent dans toute l'étendue de la huche; l'utilité distincte des barreaux et des cueilleres a déterminé l'auteur à les joindre.


Lorsque l'on s'aperçoit que l'eau de la huche s'éclaircit, on débouche l'ouverture du fond de la huche, en tirant une espèce de bonde ou de pelle faite d'un bout de bois carré, échancré circulairement pour affleurer la surface intérieure de la huche, et emmanché d'un bâton 8 ou 9, qui sert à la replacer ou la retirer».

Et si avec ça, vous ne savez toujours pas ce que sont les bocards et patouillets, je ne sais pas ce qu’il vous faut…

Allez, plus sérieusement, un bocard (composé d’une roue à aube), sert à briser le minerai en gros grains, celui-ci est ensuite lavé par les ouvriers dans les lavoirs à bras (le minerai est agité dans l’eau courante à l’aide d’une pelle). Et si ce lavoir est mécanisé, on parle alors de patouillet (c'est un mécanisme d’arbre auquel sont fixées des barreaux de fer qui agitent le minerai), ceci pour obtenir un meilleur rendement. Voilà pour les explications.

On en trouvera davantage dans le n° 52 de "Images du patrimoine" sur les métallurgies du département des Vosges ainsi que sur l’Encyclopédie de Diderot et d'Alembert à la rubrique «Forges ou l'Age du fer»…

Maintenant, pour une recherche plus avancée sur les sources de l’histoire des mines en France au XIXe siècle, l’École des Mines de Paris est une source d’information non négligeable, puisque cette école a formé non seulement les ingénieurs du corps des Mines mais aussi un grand nombre des ingénieurs qui ont travaillé directement dans la mine.

Mais bien qu’hétérogène, l’ensemble des fonds manuscrits ou archivistiques (on y trouvera des archives privées comme ceux de Gillet de Laumont (d. 1834) ou d’Héricart de Thury, des archives de publication et aussi des archives publiques) conservé à la bibliothèque de cette l’École n’est pas dénué d’intérêt pour l’histoire des mines et celle du Corps des mines, indissociables l’une de l’autre dans cette France industrielle du XIXe siècle.


mardi 18 novembre 2008

Les Archives demain et la révolution électronique

Aujourd’hui mardi 18 novembre à l’Unesco, dans le cadre du colloque «Les Archives demain», j’ai assisté à la conférence sur «les défis du XXIe siècle : la révolution électronique et la numérisation».

Tout était question de temps. Temps de retard d’abord : les intervenants ont commencé leurs présentations qu’à 9h30 (une ½ heure de retard), ce qui eut pour conséquence de zapper la séance des Q/R. C’est dommage puisqu’on apprend plus sur les échanges des uns et des autres. J’avais bien envie de tester le microphone de l’Unesco pour une fois que j’y été invité, mais bon…

Question de temps donc. Le temps dans le discours : les intervenants ont davantage privilégié le passé et le présent et ont juste effleuré le futur (pourtant le thème du colloque).

Mais bon, on ne chipotera pas. J’ai beaucoup appris malgré tout. Après un petit discours de Jussi Nuorteva, le modérateur de service, c’est Françoise Banat-Berger (DAF) qui a assuré le gros de la présentation, suivi d’Olivier de Solan (aujourd’hui DAD de la Somme), Georges Mackenzie (auparavant au CIA et aujourd’hui directeur des Archives d’Écosse), Joël Surcouf (l’éternel DAD de la Mayenne) et Anne Burnel (service des Archives de la Poste).

La présentation, genre "Table ronde", était efficace, comme une pièce de théâtre bien réglée, les uns posaient des questions aux autres qui répondaient en illustrant leurs propos de chiffres, de statistiques diverses et de termes techniques.

Françoise Banat-Berger nous rappelle que la loi du 13 mars 2000 (sur le droit de la preuve en consacrant la signature électronique) était déjà, en soi, une «révolution électronique» et que depuis, de gros efforts ont été faits pour assurer la «tracabilité» de l’écrit électronique. Son propos s’est ensuite porté sur la numérisation, les nouveaux publics, les nouvelles pratiques archivistiques et l’archivage électronique. À chacune de ses interventions sur ces divers points, elle laissait la parole aux intervenants qui illustraient et donnaient des exemples précis. On apprend ainsi que de très nombreux services d’archives mettent leur état civil en ligne (en 2003 on dénombrait 3 services et 63 en 2008 ! c’est énorme ! on met en ligne les registres paroissiaux et d’état civil, les tables décennales, les registres matricules des militaires, le cadastre ou les listes nominatives de recensement, etc.).

Les Archives britanniques ont numérisé 30% de leur instruments de recherche et mis en ligne près de 10 millions de notices individuelles!). Évidemment, dans ce contexte, l’archiviste s’est adapté à ce nouveau genre de public virtuel (en Écosse, le nombre de lecteurs traditionnels en salle de lecture a considérablement baissé au profit d’un lectorat virtuel : 12000 lecteurs par an en salle et 400000 lecteurs par an sur leur site). Le rapport entre les lecteurs a également été modifié : en salle de lecture les lecteurs ne discutent généralement pas entre eux (à l’exception des habitués), il en est tout autrement sur les sites internet où on constate de plus en plus des lecteurs se rapprochant entre eux par le biais des forums et autres groupes de discussion.

Pour ce qui concerne les «nouvelles pratiques», on assiste de plus en plus à la création de plate-formes de travail collaboratif, sorte d’espace de travail virtuel qui facilite la communication entre les lecteurs qui se partage ainsi l’information créée par eux et stockée sur le poste de travail d’un service d’archives (les AD de la Mayenne et celles des Yvelines ont été les précurseurs de ce genre de projets de mise en ligne des archives et de travail collaboratif : voir AD Mayenne et AD Yvelines). Joël Surcouf nous explique «ses» lecteurs ont indexé avec succès et avec un grand professionnalisme les centaines de milliers de pages d’ouvrages qu’il avait mis en ligne.

….

Bon, un petit mot sur l’archivage électronique : très bonne prestation d’Olivier de Solan. J’ai beaucoup apprécié celle d’Anne Brunel (du Service national des archives de la Poste créée seulement en 1997) et ses réflexions sur la politique de collecte des archives intermédiaires et définitives en «flux tendu» (les enregistrement sonores des conseils d’administrations, etc.). Elle s’est également interrogée sur la nécessité de donner une cote à ce genre d’archives électroniques. Enfin elle a conclu que les archivistes du futur se tourneront de plus en plus vers des prestations d’ingénieries documentaires pour faciliter la collecte (cela ne m’étonne pas, on avait déjà eu recourt à la sous-traitance pour le stockage de ses archives, maintenant on parle de la collecte…jusqu’où irons-nous ?).

Bref, ce fut un petit colloque sympathique, je me suis ensuite enfui sans assister à la conférence sur «la massification des archives»…


lundi 17 novembre 2008

Des suites de la loi n° 2008-696 sur la communication des archives

C’est un échange de commentaires sur un billet que j’avais rédigé sur les conséquences de la loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008 relative aux archives qui me donne l’idée d’illustrer ce propos par un cas concret.

Notre correspondant souligne à juste titre que «les nouveaux délais avec le raisonnement par type d'information sont inapplicables». En effet, jusqu’à preuve du contraire, nous avons toujours communiqué les archives au dossier et non à la pièce et depuis toujours, nous avions évité de communiquer des extraits (de pièces) des extraits (des dossiers) car ce genre de communication était est une aberration totale en terme d’archivistique (mais non en terme de communication administrative, cf loi de 1978)…

Et notre correspondant ajoute que «la loi pose plus de problèmes qu'elle n'en résout». Je suis totalement d’accord avec lui.

Illustration :

Jusqu’au 15 juillet 2008 au matin, la consultation des dossiers individuels d’acquisition de la naturalisation française (sous-série BB/11 des Archives nationales) était librement autorisée dès lors que ces dossiers avaient été ouverts depuis plus de 60 ans. Mais il était évident que la DUA (la durée d’utilité administrative) de ces dossiers était par définition illimitée (l’administration demandera toujours un justificatif aux enfants et aux petits-enfants des personnes ayant acquis la naturalisation française).

Aussi, par un arrêté du 11 juin 1988, on autorisera à la libre communication, des dossiers qui comportaient des pièces de moins de 60 ans d’âge «dès lors qu’ils avaient atteint 30 ans d’âge». Autrement dit si on trouvait une pièce de 1964 dans un dossier ouvert en 1930, le dossier restait malgré tout communicable (1964+30=1999).

Voyons à présent les conséquences de la loi n° 2008-696 sur le même dossier qui est communicable à partir de 50 ans en application du régime de principe sur la protection de la vie privée (il était à 60 ans si on avait appliqué la loi de 1979, on ne gagne donc que 10 ans).

Or pour les documents qui portent une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable, ou qui font apparaître le comportement d’une personne dans des conditions susceptibles de lui porter préjudice le délai passe à 50 ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier. Et ce délai est de 100 ans (ou 25 ans à compter du décès de l’intéressé) pour les documents relatifs à l’intimité de la vie sexuelle des personnes.

Voici une pièce d’un dossier de naturalisation dont je me garderai bien de donner les références.


On lit sur cette pièce de 1964 que «le divorce [a été] prononcé avec torts réciproques des époux (adultère de la femme)»….je n’ai pas trop envie que la fille de ces époux sache que sa mère était adultérine…(on entre ici soit dans la catégorie d’une «appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable» soit sur un «document relatif à l’intimité de la vie sexuelle des personnes», au choix).

Au terme de la loi de 1979 et de l’arrêté du 11 juin 1988 ce dossier aurait été communicable (1964+30=1999).

Mais selon la loi n° 2008-696 ce dossier ne sera librement communicable qu’en… 2014 ! (même pour la simple application du régime de principe sur la protection de la vie privée, 1964+50 =2014).

Sans commentaires…

On avait assuré que la nouvelle loi serait une loi …d’ouverture (!) et qui définirait la communicabilité en fonction des intérêts qu’elle entend protéger, et non plus par catégories de documents.

Bref, à trop protéger les intérêts des personnes on finit par interdire la communication ! trop de protection tue la protection dit-on.


samedi 15 novembre 2008

Des chevilles qui gonflent

Les lundi 17 et mardi 18 novembre, madame Martine de Boisdeffre, directrice des Archives de France nous invite à un colloque international organisé par la DAF de concert avec l’Unesco, sur «Les Archives demain».
La journée du mardi me tente un peu : «les défis du XXIe siècle et la révolution électronique/numérisation», conférence donnée par Françoise Banat-Berger, Olivier de Solan, Georges Mackenzie (que je ne connais pas), Joël Surcouf et Anne Burnel. Je vais m’y rendre avant le vernissage de l’exposition du bicentenaire de l’installation des Archives par Napoléon à l’Hôtel de Soubise (ouverte au public du 19 novembre 2008 au 15 juin 2009). La semaine commencera donc sur les chapeaux de roue…

………..

Et c’est en cherchant des informations sur ce colloque précisément que, cet après-midi (en étant de permanence en salle des inventaires du Caran jusqu’à 17 h), j’ai été surpris de trouver sur le The online archives encyclopedia que le site de votre serviteur a été «récompensé» pour son article sur Caroline Chesneau …je ne résiste pas à la tentation de copier/coller le commentaire (en anglais) de cette «nomination»…(…pardon pour les chevilles qui gonflent…)

«the blog Danis, wins for its explanation of how prior to the twentieth century "many women have distinguished themselves" for this medal which is awarded to both civilians and soldiers, "but their actions have always been ignored, and Caroline Chesneau is part of it." This archivist/blogger points out that " (nee Demarest) was nominated for the the cross of the Legion of Honour in recognition for her actions during the war of 1870-1871 where her arm was injured in the battle at Le Bourget, Avron plateau," but despite many letters of recommendation for Mrs. Chesneau, an attached label on the application reads, "To return to Carolina Chesneau...this candidacy is not serious with regard to the great chancellery".»

Merci The online archives encyclopedia, je suis très touché…

Les rideaux aillagon

On raconte que Jean-Jacques Aillagon, alors ministre de la Culture, visitant les Grands-Dépôts des Archives nationales à Paris, s’était vivement ému en remarquant qu’un banal rayon de soleil chatouillait le dos d’un registre du Parlement (la sous-série X2A).
On lui fit alors remarquer que les Archives nationales n’avaient point les moyens de se payer des rideaux anti-solaire. Il prit alors son téléphone mobile et appela sur le champ son cabinet. Deux jours après, de jolis rideaux fleurissaient aux fenêtres des Grands-Dépôts. Depuis, on les appelle familièrement les «rideaux aillagon»…

Pourquoi cette anecdote ? Parce que depuis 15 jours maintenant, ces messieurs/dames des Parcs&Jardins n’arrêtent pas de labourer, de ventiler, de ratisser, de biner, de sulfater la cour de l’Hôtel de Rohan.

Je soupçonne ce grand dérangement pour la venue de notre ministre Christine Albanel au vernissage de l’exposition (du 19 novembre 2008 au 15 juin 2009 à l’Hôtel de Soubise) du bicentenaire de l’installation des Archives par Napoléon, dans des bâtiments princiers, au cœur de Paris (en attendant l’édification d’un nouveau bâtiment à Pierrefitte-sur-Seine). Et pour ne pas émouvoir à nouveau un ministre à la vue de la pelouse piétinée les semaines précédentes par les Journées du patrimoine (en septembre), la Nuit Blanche des Musées (le 4 octobre) et plus récemment encore, par Lire En Fête (les 11 et 12 octobre derniers), on a posé des pelouses moquette-gazon en bande rouleau, qui comme chacun le sait, coûtent une fortune et ne résisteront pas à l’hiver qui arrive…

Je pense qu’on aurait du laisser émouvoir notre actuelle ministre de sorte qu’à l’instar de son prédécesseur, Jean-Jacques Aillagon, elle aurait pris son téléphone mobile pour appeler séance tenante son cabinet et obtenir un gazon digne de ce nom pour cette cour prestigieuse (l’Hôtel de Rohan ce n’est tout de même pas rien !).
On aurait alors appelé cette pelouse, la «pelouse albanel» et les Archives nationales n’auraient pas déboursé un seul kopeck !

jeudi 13 novembre 2008

La journée de l'étudiant aux Archives nationales

(l'Hôtel de Rohan où s'est déroulée une partie de cette 3e journée de l'étudiant)

Aujourd’hui nous avons animé le stand recherches dans les fonds judiciaires pour la 3e journée de l'étudiant que les Archives nationales organisent maintenant depuis 2006. La 1re année nous avions présenté les fonds judiciaires de la section du XIXe siècle sous forme de conférence, et cette année (ainsi que l’année dernière), nous avons privilégié une présentation sous forme d’atelier.

Organisée quelques semaines après la rentrée universitaire et destinée en priorité aux étudiants de L3, de M1 et de M2, cette journée de l'étudiant aux Archives nationales a pour but de faciliter le travail des étudiants en leur permettant de découvrir ou de mieux connaître les documents conservés aux Archives nationales et de préciser ainsi, ou de réorienter, leurs pistes de recherche.

Il s’agit en fait d’accueillir les étudiants en leur fournissant le programme des ateliers et des conférences, ainsi que l’orientation nécessaire pour commencer une recherche. Des visites du Caran ainsi que des magasins d’archives, dont certains ont été construits au XIXe siècle, sont aussi organisées, de même que des conférences qui présentent les ressources en ligne des Archives nationales.

Ce matin, notre « stand » a accueilli près d’une dizaine d’étudiants de 9h30 à 11h environ. C’est une bonne cadence. Nous avons ainsi pu dialoguer avec les étudiants sur les documents disponibles pour n’importe quel sujet de recherche (notamment la source d’appoint que constitue les archives judiciaires pour tout travail universitaire).

En 2006 et en 2007, près de 400 étudiants et enseignants avaient ainsi été accueillis. L’entrée est évidemment libre de 9 h 30 à 17 h au 11 rue des Quatre-Fils, dans le 3e arrondissement, métro : Hôtel de Ville (ligne 1) ou encore Rambuteau (ligne 11). Plus de détails sur le 01-40-27-64-20 ou sur anparis@culture.gouv.fr ou encore sur notre site : http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr/anparis

Rendez-vous l’année prochaine…

mercredi 12 novembre 2008

La normalisation des instruments de recherche (3/5)


Le 27 octobre dernier j’avais été sollicité par la DAF pour intervenir dans une formation sur la normalisation des instruments de recherche pour une bonne quinzaine de participants. C’était un rappel de quelques règles d’analyse archivistique et de la typologie des instruments de recherche en somme. Je n’ai rien inventé, j’ai récupéré la grande partie de mon intervention sur la «Pratique archivistique française» ou sur l’«Abrégé d’Archivistique» édité par l’AAF.

Après quelques définitions toujours utiles et le rappel de l’analyse archivistique, abordons à présent l’organisation des différents éléments qui la compose.

1. La ponctuation.
L’utilisation des signes de ponctuation n’est pas normalisée (à l’inverse des notices de description bibliographique). Il existe toutefois une présentation traditionnelle :

Objet, action : typologie documentaire.
Dates extrêmes

2. La non répétition des informations communes.
La non répétition des informations communes

Exemple de la mise en commun
23 U 54-56 Justice de Paix. – Témoignages : dossiers individuels (classement alphabétique).
1930-1948
54 A-K
55 L-M
56 N-Z

3. L’organisation des analyses à plusieurs niveaux.

Une analyse comprend au moins un intitulé et, le cas échéant, des informations complémentaires. Ces exemples n’ont pas un caractère exhaustif et peuvent se décliner à volonté dès lors que la logique d’articulation des éléments constitutifs de l’analyse est maîtrisée :

Exemples l’analyse archivistique

Cote Objet général/Intitulé. – Action : typologie (nature du classement).
Dates extrêmes

Cote Objet général/Intitulé. – Objet 1 , action 1 : typologie 1 (dates extrêmes) ; action 2 : typologie (dates extrêmes).
Dates extrêmes

Cote Objet général/Intitulé. – Objet 1 , action 1 : typologie 1 (dates extrêmes) ; action 2 : typologie (dates extrêmes). Objet 2, action : typologie (dates extrêmes).
Dates extrêmes

etc., etc.

Un petit mot sur le Thesaurus W = liste contrôlée de descripteurs reliés entre eux par des relations sémantiques, hiérarchisées, associatives ou d’équivalence, servant à indexer les notions d'une unité de description...

(à l'heure où j'écris ces lignes, le "nouveau" Thesaurus est en ligne sur le site de la DAF, et les exemples que j'ai donné ici proviennent du site du Piaf, je ne sais pas trop s'il faut les citer ou pas ou s'il m'était permis de prendre leurs exemples...cela dit, ils étaient en ligne, alors pourquoi inventer à nouveau la roue et cherchez d'autres exemples...)

Relation d’équivalence
Exemple : «marée noire» au profit de «pollution de la mer»

Relation hiérarchique (but : obtenir une réponse complète - moyen : organisation en chapitre, rubriques et sous-rubriques).
Exemple :
EQUIPEMENT niveau hiérarchique n° 1
ENVIRONNEMENT niveau hiérarchique n° 2
PROTECTION DE LA NATURE niveau hiérarchique n° 3
ASSOCIATION DE DEFENSE DE L’ENVIRONNEMENT, ESPECE PROTEGEE, FAUNE SAUVAGE, PARC NATUREL, RESERVE NATURELLE, SITE niveau hiérarchique n° 4
Interroger à «site» donne des réponses, mais interroger à «protection de la nature» donne aussi des réponses, de niveau plus général.
Interroger «environnement» donne encore des réponses de niveau supérieur.
Dans une base de données ayant intégré le thesaurus, une interrogation à «site» donnera aussi les termes en hiérarchie.

Relations d’association
Un système informatique n’accepte pas qu’un terme soit présent dans plusieurs chaînes hiérarchiques. On compense cette contrainte par des relations d’association.
Exemple : la plupart des descripteurs se rapportant à l’hôpital se trouvent dans une hiérarchie «Santé», mais l’enseignement hospitalier, lui, se trouve logiquement dans une hiérarchie «Enseignement».

Puisqu’il n’est pas possible de faire dépendre «enseignement hospitalier» des deux hiérarchies, on fait une association. «Enseignement hospitalier» est cité comme terme associé dans la hiérarchie santé et « hôpital» est un terme associé à «enseignement hospitalier»dans la hiérarchie «enseignement».

Au prochain billet, on abordera les principes généraux des normes.


vendredi 7 novembre 2008

Mise en ligne des dossiers de Légion d'honneur

Extrait d’une communication de notre chef de service à tous les directeurs et responsables des services d’archives.

Les Archives nationales conservent une source très consultée par les généalogistes comme par les historiens : les dossiers nominatifs de la Légion d’honneur. Les dossiers des légionnaires décédés avant 1954 sont conservés sur le site de Paris tandis que ceux des légionnaires décédés entre 1954 et 1977 le sont sur le site de Fontainebleau.

On peut rappeler que la base Leonore, l’une des premières bases de données des Archives nationales (elle a été créée en 1977), reçoit actuellement plus de 40 000 visiteurs par an. En 2007, plus de 5200 dossiers ont été sortis pour consultation directe au Caran (Centre d’Accueil et de Recherches des Archives Nationales), chiffre qui peut donner une idée précise de la dégradation lente mais ininterrompue qui affecte les documents en raison des manipulations répétées.

Les Archives nationales ont longtemps espéré pouvoir numériser ce fonds. Le projet Pierrefitte leur en fournit l’opportunité. Le marché lancé en 2008 - marché réparti sur 4 années en raison de son ampleur – prévoit la numérisation des dossiers conservés sur le site de Paris d’une part, l’indexation dans Leonore suivie de la numérisation des dossiers conservés à Fontainebleau d’autre part.

Au 1er octobre 2008, 105 000 images, correspondant globalement aux lettres A et B, étaient d’ores et déjà accessibles sur Leonore. Les lecteurs et les internautes sont tenus régulièrement informés des tranches de dossiers rendus indisponibles à la communication et de ceux dont la consultation en ligne est désormais possible.

La numérisation de l’ensemble des dossiers de Légion d’honneur conservés aux Archives nationales (près de 6 millions de vues au total) et la mise en ligne des images associées à la base Leonore interrogeable via internet vont permettre de répondre aux deux grandes préoccupations contradictoires des Archives nationales que sont la conservation matérielle des documents et leur mise à disposition du public.

Extrait d’une communication de notre chef de service à tous les directeurs et responsables des services d’archives.

mercredi 5 novembre 2008

Au bal des pompiers

(«carte de vœux» des pompiers, env. 1890, 27x22 cm, cliquer pour agrandir)

Vu dans LH/3209 au dossier Antoine-Marie Degrain né le 10 mars 1828 à Vitry-sur-Seine (auj. Val-de-Marne) et y demeurant, adjudant de sapeurs et demandant la Légion d’honneur, cette «carte de vœux» de 27 sur 22 cm vendu chez Naudet, 25 passage du Caire à Paris sur laquelle des clairons de la compagnie «à l’occasion de la nouvelle année, prennent la liberté de présenter leurs hommages [en] assurant de leur zèle pour la continuation du servie».

L’année n’est pas indiquée, je la reconstitue aux alentours de 1895 d’après les pièces s’y rapportant.

Antoine-Marie Degrain débute à 20 ans aux sapeurs pompiers et «défend la république» en passant la nuit du 15 mai 1848 au palais du Luxembourg et se distingue ensuite dans plusieurs actes de belles conduites et de sauvetages divers qui lui valent de nombreuses médailles d’honneur.

Il s’engage ensuite (le 1er octobre 1870) aux génies des sapeurs et achève sa carrière comme adjudant. C’est à ce titre qu’il sollicite, en décembre 1893, l’ordre de la Légion d’honneur «qu’[il] a si bien mérité dans maintes circonstances pendant le siège de Paris de 70-71, pendant la Commune, les incendies où il a été blessé plusieurs fois, etc.»…

On lui répond «qu’il n’a pas été proposé [par sa hiérarchie] et [que] dans ces conditions, il est difficile de prévoir l’époque où il pourra recevoir satisfaction».

Dans pareil cas, les pétitionnaires jettent leurs dernières cartouches et envoient tout azimut des certificats médicaux (on apprend ainsi que notre Degrain a perdu «trois orteils au pied, emportés dans un incendie, un œil, a une blessure de guerre par éclat d’obus, etc., une cartouche à la vessie, etc.), ils envoient aussi des lettres de recommandation variées (préfets, parlementaires, etc.), diverses pièces justificatives. C’est ainsi que nous retrouvons dans son dossier cette curieuse «carte de vœux» où en frontispice se détache la formule «dévouement et discipline».

Notre Degrain renouvellera sa demande jusqu’en 1910 sans jamais obtenir sa Légion d’honneur. Une note sur son dossier indique «dossier à l’intérieur» , il faut comprendre : «son dossier a été envoyé au ministère de l’Intérieur histoire de gagner du temps en demande de renseignements divers et attendre que le pétitionnaire se fatigue ou mieux encore, décède entre temps».

On perd en effet la trace de Degrain à partir de 1910…

lundi 3 novembre 2008

La normalisation des instruments de recherche (2/5)


Le 27 octobre dernier j’avais été sollicité par la DAF pour intervenir dans une formation sur la «normalisation des instruments de recherche» pour une bonne quinzaine de participants. C’était un rappel de quelques règles d’analyse archivistique et de la typologie des instruments de recherche en somme. Je n’ai rien inventé, j’ai récupéré la grande partie de mon intervention sur la «Pratique archivistique française» ou sur l’«Abrégé d’Archivistique» édité par l’AAF.
Après quelques définitions toujours utiles, abordons à présent l’analyse archivistique.

Celle-ci est inséparable de l’article qui constitue à la fois une unité intellectuelle et une unité matérielle pour la cotation, le rangement et la communication des documents.

Un article = une cote et une analyse

Les cas simples :
Un dossier est de la taille d’un carton
Un dossier dépasse la taille d’un carton
Un carton contient une série de dossiers sériels

Les cas difficiles :
Un carton contient plusieurs dossiers différents
Les autres supports

Un dossier amène plusieurs questions : Quoi? Où? Comment? Avec quoi? Par qui? Quand?
L’analyse archivistique doit donc répondre aux questions suivantes :
  • De quoi s’agit-il ?
  • Où se situe l’objet ?
  • Comment l’objet est-il traité ? et que lui arrive-t-il ?
  • Avec quels documents (pièces) l’objet et l’action sont-ils illustrés ?
  • Par qui l’action est-elle mise en œuvre ?
  • Comment les pièces sont-elles classées ?
  • Quand l’objet et l’action ont-ils pris place ?

De quoi s’agit-il ? = OBJET

Où se situe l’objet ? = LOCALISATION

Comment l’objet est-il traité ? et que lui arrive-t-il ? = ACTION (sur l’objet)

Avec quels documents (pièces) l’objet et l’action sont-ils illustrés ? = TYPOLOGIE DES DOCUMENTS

Par qui l’action est-elle mise en œuvre ? = AGENT (de l’action)

Comment les pièces sont-elles classées ? = NATURE DU CLASSEMENT

Quand l’objet et l’action ont-ils pris place ? = DATES EXTRÊMES

Définitions

OBJET : thème ou sujet, concret ou abstrait, sur lequel s’exerce l’activité de la personne physique ou morale à l’origine des documents rassemblés dans un dossier, et dont la détermination figure dans l’analyse de ce dossier.

ACTION (sur l’objet) : activité administrative dont résulte l’existence de documents rassemblés dans un dossier, et dont la détermination figure dans l’analyse archivistique de ce dossier.

AGENT (de l’action) : auteur de l’action administrative dont résulte l’existence de documents rassemblés dans un dossier, et dont la détermination figure dans l’analyse archivistique de ce dossier s’il est différent du producteur.

Mais seuls l’objet et les dates extrêmes sont obligatoires

Exemple
Cote : 134 W 30

Objet général (de quoi s’agit-il ? ) : objet physique : école, personne morale : ministère, zone géographique : parc national, évènements : fêtes, guerre, situations physiques : structures agricoles, situations juridiques : prix, objets complexes : urbanisme.

Localisation (où se situe l’objet ?)
Action (sur l’objet) ou comment l’objet est-il traité ? Que lui arrive-t-il ?

Par qui l’action est-elle mise en œuvre ? actions concrètes : achat, construction, inondation, actions abstraites : jugement, réglementation, programmation, agents : services, personnes.

Typologie documentaire, avec quels documents (pièces) l’objet et l’action sont-ils illustrés ? textes de lois, procès-verbal, rapport, mémoire, correspondance, photographies, tableaux statistiques, etc.

Nature du classement ou comment les pièces sont-elles classées ? Ordre numérique, alphabétique, chronologique, géographique.

Dates extrêmes Quand l’objet et l’action ont-ils pris place ?

L’intitulé est placé en tête de l’analyse caractérise le mieux l’unité de description et en rend explicite son classement par rapport aux autres unités de description dans un instrument de recherche.

Les principes fondamentaux de rédaction de l’analyse

L’analyse doit être : fiable, concise et homogène mais aussi intelligible (la description doit correspondre au contenu, comprise par tous et ne pas être sujette à interprétation). Complète (elle doit donner un élément d’information pertinent pour chacun des articles décrits).

Exemple

L’analyse doit être intelligible : la description doit être comprise par tous et ne pas être sujette à interprétation. Soit l’analyse suivante, tirée d’un versement de cabinet préfectoral (nota : cet exemple a été tiré de "l'Abrégé d'archivistique" édité par l'AAF comme précisé dans le billet précédent et au début de celui-ci) :

Transports privés, interventions
À première vue l’objet serait les transports privés, l’action serait les interventions, ou alors l’action est sous-entendue comme «traitement de», ou «enquête sur», ou «préparation des réponses à», ou des interventions (de personnalités) concernant les transports privés.

L’analyse est sujette à interprétation, en fait il s’agit :
d’interventions ;
et l’agent de ces interventions (dont la nature n’est pas précisée) sont les syndicats de transporteurs ;
l’information donnée à l’occasion de ces interventions servait au bureau instructeur pour l’application de la réglementation sur les transports privés, l’analyse correcte est donc :

Transports privés. – Réglementation : interventions des syndicats de transporteurs.

Au prochain billet, on abordera les principes généraux de l’analyse archivistique et de l'importance de la ponctuation...

dimanche 2 novembre 2008

Pleade 3.0 ou Panne 3.0 ?

Évoquant la lancée de Pleade 3.0 en mars 2008, Lully 1804, dans son billet fort intéressant daté du 25 février 2008 « (…) [trouvait] que ce serait encore hasardeux de se lancer dans la V3 si on dispose déjà de la V2, et ce d'autant plus que toute la documentation sur la V3 reste à faire (ou, si elle est rédigée, elle n'est en tout cas pas disponible à ma connaissance)».

Ce à quoi j’avais répondu que, certes, tout ce qu’on pouvait faire sur la version 2.0 en modifiant les .css ou les .html des fichiers dit d’habillage ou de configuration n’était plus possible sur la version 3.0, mais que je trouvais malgré tout Pleade 3.0 plus abouti que la version précédente, notamment par la visionneuse d'images intégrée à cette V3.

Mais pour justifier l’absence de la documentation de la V3, on se rappellera la raison invoquée par Martin Sévigny, le concepteur de Pleade, de ne pas «compliquer le travail de l'archiviste» puisque l’usage a démontré que de nombreuses options de paramétrage étaient peu ou pas du tout utilisées par les utilisateurs de cet outil formidable tant pour la publication des instruments de recherche (IR) en EAD/XML que pour comprendre l’architecture générale d’une publication, voir le site officiel de Pleade 3.0 sur http://www.pleade.com/

On y annonce que la version 3.1 sortirait en avril 2008 (!). Et que celle-ci inclurait notamment de nouvelles fonctionnalités telles que l'historique des recherches, des statistiques sur les recherches, la possibilité de proposer des contenus différents selon la provenance des consultations, etc.

Force est de constater que la fin de l’année 2008 approche et que cette version 3.1 n’est toujours pas proposée. Y aurait-il de l’eau (de l’AJLSM) dans le gaz (de la société Anaphore) ? Le mariage de l’eau et du gaz est en effet fort déconseillé !

Mais qu’on ne se méprenne pas, si l’ironie est de mise, on ne peut que féliciter AJLSM puis AJLSM-Anaphore d’avoir proposé dès 2002, un outil libre (le premier du genre !) permettant de diffuser des IR archivistiques dans une architecture web.

Gageons qu’au cours de l'année 2009, une nouvelle version de Pleade 3.x verra le jour !

Le 22 à Asnières

Le passé est certes le passé et seules restent les interprétations diverses de ce fouillis plein de détails dont tout le monde essaie de tirer son avantage. On utilise alors les Archives comme cela nous convient. Ici un petit clin d’œil au modernisme galopant de notre siècle…

Lu dans le journal Paris du 08 janvier 1888 à la rubrique «Faits divers» (un exemplaire de ce journal se trouve dans LH/3207, dossier Crespin de la Jeannière) :

Société générale des téléphones

Pendant la semaine du 30 décembre 1887 au 6 janvier 1888, la Société générale des téléphones a inscrit 36 nouveaux abonnés à Paris et 11 dans les départements. Le nombre des nouveaux reliés a été de 41 à Paris et 9 dans les départements.

Paris compte actuellement 5438 abonnés et les départements 2376 soit en tout 7814 abonnés.

Les demandes d’abonnement doivent être adressées 41, rue Caumartin à la Société générale des téléphones qui se charge également de toutes les installations de téléphones domestiques dans les bureaux, administrations, usines, hôtels, appartements
, etc., etc.

Et aujourd’hui en 2008 ? On affiche sur France Télécom que le nombre total de clients abonnés au fixe est de…24 millions (et en encore ce chiffre est en baisse de 2,5 millions sur 1 an !).

On n’ignore de nombre total d’abonnés au niveau mondial…

Benoît Springer


Un petit coup de cœur pour commencer le mois de tous les saints et de tous les défunts en tout genre, voici Les Funérailles de Luce aux éditions Vents d'Ouest.
Benoît Springer récidiviste après Les Trois ombres, autre bijou sur le même thème au reste, celui des âmes errantes…
Ici notre petite Luce, 6 ans, personnage très attachant, passe ses vacances avec son grand-père Roger, jardinier, vendeur de légumes au marché et accessoirement turfiste. Nous sommes en Charente-Maritime, notre Luce, curieuse de tout (Springer a dessiné une planche entière qui montre Luce observant une coccinelle se promenant sur un étal du marché !, magique et hors du temps !)… notre Luce passe donc des journées agréables en aidant son grand-père à ramasser les œufs frais des poules paisibles. Mais, on le sait tous, les enfants innocents voient souvent ce que nous, adultes, avons cessé d’admettre de nos yeux brouillés par le matérialisme excessif de nos sociétés actuelles. Ainsi Luce croise de temps à autre (au marché, au jardin, etc.) un genre de personnage nu et tout noir tenant par la main une petite fille voilée qui tient sous le bras une boîte de Lu qu'elle remplie de cocottes en papier à chaque décès dans ce petit village charentais.
Les images sont magnifiques, les plans séquences admirablement pensés, le trait juste et les dialogues (ainsi que les silences) bien choisis. Le Noir-et-Blanc est magnifiquement tracé. C’est vraiment un hymne à la vie et à l'amour mais aussi à la vieillesse, la solitude.
À conseiller pour tous les âges.