lundi 4 février 2008

J'ai incendié le Palais-Royal


(renseignements sur Léopold Boursier)

Voici un dossier de recours en grâce inédit que j'ai trouvé en classant les résidus de documents de la division criminelle en BB/18/1796/1 à 1810 pour les années 1869 à 1889. Il s'agit du dossier de Léopold Boursier, condamné à mort par contumace, le 3 mars 1873 pour insurrection (événements de la Commune) et "incendiaire du Palais-Royal" (c'est à dire les alentours des Tuileries actuelles) dans la nuit du 23 au 24 mai 1871.
Le fichier BB/27/107-109 des grâces de la Commune donne une fiche à son nom, mais le dossier (numéro 1243 S79) ne se trouvait pas dans les sous-séries BB/21 à BB/24 habituellement consacrées aux dossiers de grâce. Son dossier avait été renvoyé à la division criminelle en 1879 lorsque Boursier, alors réfugié à Londres, demanda une amnistie ou "une autorisation de venir passer vers la fin du mois d'avril [1879], huit à dix jours en France pour des intérêts de son commerce…"

L'incendie du Palais-Royal et de ses alentours, fut une perte immense à tout point de vue ! les combats qui faisaient rage dans le quartier empêchèrent les pompiers d'intervenir et l'incendie ne sera complètement éteint que dans la soirée du 25 mai. Tous les bâtiments compris entre la rue de l'Échelle et la porte des Lions au sud étaient ravagés. Seuls ont subsistés le gros œuvre (dont les façades étaient noircies) et l'aile de Flore (resté inachevée). On sait que douze plus tard (en 1883), on décida la démolition complète du château des Tuileries qui sera remplacé par un jardin (le Carrousel) où sont installées aujourd'hui une vingtaine de statues de Maillol encadrées par de jolies haies.

(Les Tuileries après l'incendie), cliché - Wikipédia

Ce sont les archives de l'Agence d'architecture du Louvre et des Tuileries (série 64 AJ) couvrant une période s'étendant de 1848 à 1968 environ, et à travers les études, plans, projets, dessins, photographies, réalisés pendant les travaux de restauration et d'achèvement du Louvre au Second Empire, qui ont permis, des années plus tard, à représenter un précieux témoignage de tous les bâtiments disparus (une partie de la Grande Galerie, les anciens pavillons de Flore et de Marsan, le château des Tuileries, ou encore la bibliothèque du Louvre).

(le jardin des Tuileries aujourd'hui)

Mais revenons à notre incendiaire. Il est né le 25 janvier 1839 à Villeneuve-le-Guyard dans l'Yonne. Il est marchand de vin et avait été condamné une première fois le 11 mai 1865 pour faillite. Au moment des faits, il demeure au 36 de la rue du Temple. Dans la nuit du 23 mai, " il arrive, à minuit, au Palais [-Royal] dans une voiture à quatre roues chargée de bombonnes de pétrole, elle s'arrête sous le vestibule de l'escalier d'honneur (…) à 4h du matin, Boursier fait signe [aux fédérés] que tout est prêt [on avait répandu du pétrole sur les meubles, les lustres, etc.] et que le Palais va être incendié, etc.".
Condamné à mort par contumace, Boursier se réfugie à Londres, au 25 de la New Castle Street où il exerce la profession de "theatrical jeweller and armourer" (j'ignore ce que c'est comme profession)…il revient donc en France en 1879 et, curieusement, est amnistié par la loi du 14 juillet 1880 qui pourtant fut une loi assez restrictive puisqu'elle excluait les condamnés à mort ou aux travaux forcés pour les crimes d'incendie ou d'assassinat, les condamnés qui n'avaient pas fait l'objet d'une commutation de leur peine en une peine de déportation, de détention ou de bannissement, etc. Au reste, la grande majorité des combattants de la Commune n'accède pas au statut de citoyens, les Communards sont restés des individus "condamnés pour avoir pris part à des événements insurrectionnels" et ne seront jamais remboursés de leurs frais de justice, sans compter les milliers de morts, fusillés ou massacrés avec ou sans jugement…

Cruelle page d'histoire…

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