lundi 28 juillet 2008

Jeunes talents (2)

Photographie par Martine L.,
avec l'aimable autorisation de Myriam Rignol
ici à la viole de gambe
(et au second plan Julien Wolfs au clavecin)


Avec le récital d'hier dimanche 27 juillet, s'est achevé le 8e Festival européen jeunes talents 2008 qui avait débuté à l'hôtel de Soubise des Archives nationales le 3 juillet dernier et qui nous donna l’opportunité de découvrir de jeunes musiciens professionnels, lauréats de concours internationaux ou issus des conservatoires prestigieux d’Europe (lire notre coup de cœur sur la soprano Isabelle Druet).

En raison du beau temps, le récital d'hier se donnait dans la cour de Guise, dite aussi ancienne cour des marronniers. Pour une clôture en beauté du festival, on nous a proposé un duo baroque prestigieux, jugez-en, Julien Wolfs au clavecin et Myriam Rignol à la viole de gambe pour une sonate da Chiesa de Corelli en prélude, suivie, après quelques pièces au clavecin seul de François Couperin (le treizième Ordre, les Lys Naissants, les Roseaux et l’Engageante) la fameuse Suite d’un goût étranger (la Marche, la pièce luthée dite aussi la Liseuse si mes souvenirs sont bons, la Badinage et le Labyrinthe) de Marin Marais et pour finir du Bach (le père) pour le prélude et fugue en ré majeur et la sonate pour viole de gambe et clavecin obligé en sol majeur …je fais l'intéressant en indiquant que telle pièce ou celle-ci est en ré majeur ou en sol majeur mais en réalité je n'y comprends rien, j'apprécie cette musique et c'est tout.

Nous n'avons éprouvé que de menues rumeurs inhérentes à un concert de plein air : éternuement feutré, murmure faible, gémissement aussi (de plaisir évidemment), geignement plaintif, bourdonnement d'un insecte, ne manquait plus que le roucoulement des tourterelles…mais nous avons eu le bonheur d'entendre le rire d'une mouette (une petite colonie niche en effet non loin des Archives) ainsi que le craquement ou le croassement d'une corneille dérangée, sans aucun doute, dans son sommeil à moins qu'elle n'ait apprécié cette musique baroque franchement jouée avec brio par Myriam Rignol avec sa viole de gambe et Julien Wolfs au clavecin.

Le prochain festival européen jeunes talents (le 9e donc) est prévu pour le 10 juillet 2009…

lundi 21 juillet 2008

juillet, fin

des carillons qui gémissent à l’aube
au flot incessant des capricornes lunaires
pareilles à des aiguilles d’acier mêlées de suie
ou à des hoplites dans une soupe de romarin
et parmi des libellules revêches
voyez ces fleurs
comme des écouvillons : voici la grévillée

un régiment de scolytes aux aguets
une fillette à la robe froissée
derrière un buisson
une large feuille arrondie pour jouet
des roses à entonnoirs serrées le long d’une branche
et en récompense
une floraison sans épines : voici la lavatère

Voltiges



Voltiges
. Auteurs : Kodama et Faël et Stardust. Voici sans conteste un livre poétique inattendu où se rassemblent une belle harmonie du style, un rythme dans les mots et un magnifique retour à la chanson-texte du style Ferré. Ils sont trois, Stardust le chanteur, Faël le compositeur (à moins que ce ne soit l’inverse ou la même personne, allez savoir !), et enfin l’esprit arrangeur, Kodama qui a compilé tous ces textes d’ici, d’ailleurs qui témoignent d’une grande puissance de création.

Ce livre est inattendu pace qu’il ne se trouve pas dans les rayons (il devrait !) mais ne se commande que sur la toile (tous les détails sont sur le site). À l’exception de Stardust le chanteur compositeur (écoutez ses chansons inédites et franchement magnifiques notamment "Vienne le froid" sur ce bloc-notes et dont le texte se trouve dans Voltiges), on se refuse de s’assujettir aux règles prescrites de l’écriture, car ici tout est liberté et les mots s’évadent plus voluptueux que jamais pour notre plus grand plaisir : dans "L’ego tique", Kodama a "l’œil coruscant [et] et le menton haut, l’nez aquilin la lippe vermeille, etc.".

D’autres textes relèvent plus de la confession et de la mise à nu, et les mots sont alors tissés de nombreuses mise en abyme et on s’engouffre avec eux, on se confond avec son auteur dans "Dias irae", un texte bouleversant qui aborde le thème de la mort de même que "Dans un jardin fleuri" ou "A mon père". Mais qu’on ne méprenne pas, les mots partout ailleurs scintillent, frémissent et séduisent par leur métamorphose de la langue. Les textes semblent atemporels et il y a une exaltation du "bruit", le bruit des mots qu’on devine à chaque page, à chaque fois qu’un "vase se casse", à chaque fois qu’un "sablier tourne" (lire le texte "Fini").

Il y a certainement des histoires qui racontent tour à tour la rudesse de la vie citadine "C’est la grève", mais aussi la ville suspendue, oubliée mais transfigurée par une prose poétique qui multiple des images : "La Ville", "Marcheuse des villes", "Rue de Liège". On se déplace alors dans l’espace, on change de place et on se laisse abandonner pour traverser des niveaux d’existence simples de la nature qui ici "déchaîne [sa] fureur et ses éléments" ("Orage" et "Belle-Ile-en-Mer").

Tous de petits textes qui sont sur l’affection. Violemment affectueux.

jeudi 17 juillet 2008

Nouvelle loi sur les archives françaises


En date du 15 juillet 2008, portant le numéro 2008-696 et publiée (et immédiatement applicable semble-t-il) au Journal officiel du 16 juillet 2008, cette nouvelle loi relative aux archives donne une nouvelle définition des archives publiques dont le caractère d'imprescriptibilité est renforcée (article 5), c'est-à-dire que nul ne peut détenir sans droit ni titre des archives publiques. Elle donne également des nouvelles conditions de collecte et de conservation des archives et la protection des archives privées est aussi renforcée (article 6) ainsi que le droit de préemption de l’État sur les archives privées (article 9). L'article 17 donne le régime de communication des archives publiques qui sous réserve des dispositions des articles précédents sont communicables de plein droit (voir le tableau qui suit) et les dispositions pénales sont définies par l'article 19 (45 000 € d'amende et 3 ans de prison pour toute personne détentrice d'archives publiques en raison de ses fonctions et qui a essayé de détourner ou soustraire tout ou partie de ces archives ou de les détruire, etc., brrr !).

Revenons à l'article 17 qui modifie les délais de communication des archives judiciaires notamment (qui m'arrange un peu, moi qui publie fréquemment des billets sur les dossiers de la Division criminelle du ministère de la Justice). En effet, dorénavant, les archives publiques sont communicables de plein droit à l'expiration d'un délai de 75 ans (au lieu de 100 auparavant) à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier pour les documents relatifs aux affaires portées devant les juridictions, sous réserve des dispositions particulières relatives aux jugements, et à l'exécution des décisions de justice.

Un dessin valant mieux que des paroles, voici un tableau synoptique des délais de communication en vigueur depuis hier 16 juillet 2008 :

  • Pour les documents relatifs à l'intimité de la vie sexuelle des personnes : enquêtes de la police judiciaire, affaires portées devant les juridictions et documents se rapportant à une personne mineure : enquêtes de la police judiciaire, affaires portées devant les juridictions, minutes des notaires, le délai ne change pas : 100 ans ou 25 ans à compter du décès de l'intéressé, si ce délai est plus bref.
  • Pour les documents portants sur le secret de la défense nationale, intérêts fondamentaux de l'État dans la conduite de la politique extérieure, sûreté de l'État, sécurité publique, sur la protection de la vie privée, sur des documents portant un jugement de valeur ou une appréciation sur une personne physique, ou faisant apparaître le comportement d'une personne dans des conditions susceptibles de lui porter préjudice (ancien délai 60 ans, nouveau délai : 50 ans).
  • Ceux portants sur le secret en matière de statistiques : données collectées au moyen de questionnaires ayant trait aux faits et comportements d'ordre privé (dont recensement), sur les enquêtes réalisés par les services de la police judiciaire et ceux relatifs aux affaires portées devant les juridictions et à l'exécution des décisions de justice ainsi que les minutes et répertoires des officiers publics ou ministériels (ancien délai 100 ans, nouveau délai : 75 ans).
  • Les dossiers de personnel (de 120 ans à compter de la naissance à 50 ans en raison du régime particulier (on applique le délai relatif à la protection de la vie privée) et ceux contenant des documents relatifs au secret médical passent de 150 ans à compter de la naissance à 25 ans à compter du décès ou 120 ans à compter de la naissance).
  • Pour tout le reste, on applique le régime de principe, soit la communicable immédiate à la place du principe trentenaire (30 ans) de l'ancienne loi. Enfin la communication des délibérations du Gouvernement et des autorités relevant du pouvoir exécutif (conduite des relations extérieures, monnaie et crédit public, secret commercial et industriel, recherche des infractions fiscales et douanières, etc.) passe à 25 ans au lieu de 30 ans.
Progrès ou pas progrès ? Faut-il revenir à la loi du 7 messidor an II qui selon son article 37 donnait à tout citoyen, aux jours et aux heures de son choix, sans frais, sans déplacement et évidemment avec les précautions convenables de surveillance, la communication de presque toutes les archives qu'il souhaitait consulter !

jeudi 10 juillet 2008

L’amitié franco-russe

Voici sa carte de visite «Adrien Blandignère, aède toulousain franco-russe, décoré de la Lyre du Grand empereur Auguste par la Société de secours mutuels de la Turbie, ancien chef d’ambulance à l’armée de la Loire, 14 ans de service, etc.». [ça commence fort !]

Voici sa photographie, elle ressemble un peu à celle de Jean Dirassen (voir notre billet sur lui), mais ici, il y a tellement de médailles sur son torse qu’on en retrouve jusqu’à dans ses fouilles (notez la grosse médaille accrochée à sa poche gauche !).

Contenant très peu de pièces officielles ou justificatives, son dossier de proposition de la Légion d’honneur conservé en LH/3194 est en revanche rempli d’odes de toutes sortes (à la paix, au prince de Monaco, au pape Pie X, à Aristide Briand, à Clemenceau, à Viviani, au général Picquart, etc.), de poèmes réalistes ou d’amour :

«Mon cœur a tressailli d’espoir et de tendresse
En te voyant si belle Astre du beau séjour
Et je viens plein de flamme et de suave ivresse
Déposer à tes pieds mon immortel amour!, etc.»

ou encore

«En inscrivant mon nom sur ton cher portefeuille
Tu viens de me causer le plus des plaisirs
L’honneur que tu me fais m’émeut, je me recueille
A l’étude je veux consacrer mes loisirs!, etc.»

On y trouve aussi de nombreux textes de chansons, d’acrostiches et de prospectus :
«Avis : les œuvres complètes de Adrien Blandignère paraîtront prochainement en un magnifique recueil qui aura pour titre : Les Fleurs de mon jardin».

(L'Équilibre européen - Hymne franco-russe)

On y trouve également des coupures de presse que notre Blandignère envoie comme pièces justificatives de ces exploits. En voici un extrait d’un journal non identifié et non daté, faut-il le lire avec beaucoup de recul, je n’en sais rien, mais toujours est-il que Blandignère semble le prendre au 1er dégré :

«titre de l’article : L’aède Blandignère décoré
corps de l’article : (…) est arrivé M. Adrien Blandignère, aède fanco-russe, dont la physionomie a une originalité à laquelle peu de personnes peuvent prétendre. Dès son apparition, la gaîté a éclairé tous les visages, et une cérémonie a été organisée pour remettre à l’aède la médaille du grand empereur Auguste, etc.

(…)

[il] est radieux, son chapeau haute forme prend des allures d’auréole select, comme fond, deux drapeaux sont croisés derrière sa tête et le président pose, sur cette poitrine d’aède, la médaille etc. (…) en somme la cérémonie a été amusante, etc.».

Son dossier nous apprend qu’au moment de sa demande, il habite villa Jioffredy à Beausoleil (Alpes-Maritimes) et a fait la campagne de 1870 comme caporal de la 8e section d’infirmiers et chef d’ambulance, il est né le 9 avril 1841 à Puylaurens dans le Tarn. Etonné de n’avoir reçu aucune réponse de la Grande chancellerie il s’empresse d’écrire au général Florentin cette lettre datée du 19 septembre 1914 (sans doute sa dernière lettre puisqu’on perd ensuite sa trace).

«Mon général
(…) j’ai été vivement étonné d’apprendre aujourd’hui seulement que je n’avais pas été encore nommé chevalier de la Légion d’honneur le 30 juillet dernier comme je le croyais [mais] c’était un homonyme qui avait été élu.
[pas de bol !]

(…)

Je viens vous prier mon Général, d’être assez bon de m’informer par un seul mot de bienveillante réponse si vous croyez que je puisse espérer d’atteindre à ce grand résultat quelque temps après la fin de la présente guerre, etc.».

Il n'obtiendra pas sa médaille de la Légion d'honneur. Une simple note sur le dossier indique «répondu à Blandignère qu’il ne peut figurer dans les propositions (…), quant aux pièces qu’il avait envoyées [il y en plus d’une centaine !] c’est à lui exclusivement qu’il appartient [de les récupérer].

Sale temps pour les poètes !

juillet, milieu

crête d’oiseau au sommeil tourmenté
lamelles de sang coiffées de feu jaune
étamines vertueuses détachées d’un doigt de cristal
comme pour sauver un fruit couleur de phare
à l’abri ses bâtons ornés de limaille de verre :
voici le goyavier du brésil

fines dentelles parées de perles fraîches
timides sanglots dans un calme absolu
danses hardies où se débattent des plumes
c’est une histoire de désir
du vent et des mûres des mers
c’est une chevelure riche de moustiques légers
qui dévoile des gorgones cachées : voici le tamaris

lundi 7 juillet 2008

Jeunes talents


La programmation de ce 8e édition du festival européen des jeunes talents qui se donne depuis avant hier et jusqu’au dimanche 27 juillet est franchement magnifique, presque envoûtante : j’ai assisté ce samedi à un récital vocal composé d’airs d’opéra, de lieder et de mélodies de toute beauté, Isabelle Druet, mezzo-soprano accompagnée de Johanne Ralambondrainy au piano nous ont proposé, en prélude, une berceuse de Merula (c’est Marie qui endort le petit Jésus), Débussy ensuite et La flûte de Pan, Chevelure et Le tombeau des Naïades, un air de Dorabella de Mozart, quelques extraits de Haendel, Duparc et son pays où se fait la guerre (une femme se lamente de son compagnon parti à la guerre), Monteverdi et l’air d'Octavia dans Disprezzata regina (Octavia, fille de Claude, est une reine bafouée puisque Néron ne l'aime plus et en épouse une autre, on connaît la suite), Mahler, Bizet (l’air de Carmen, la Seguedille magnifiquement interprété) et deux bis dont une berceuse pour terminer. Le thème de ce récital était en somme la femme (l’adolescente Dorabella de Mozart, les femmes adultes ensuite, etc.).

On nous avait prévenu qu’Isabelle Druet venait de remporter le deuxième prix du prestigieux concours Reine Élisabeth à Bruxelles et qu’elle n’était pas n’importe qui ! et c’est vrai ! C’est une voix rare, toute de lumière, chatoyante, sans arrogance et même sans fatuité, mais douce, fraîche, presque simple mais déterminée, claire, tout de respect pour l’auditoire, flamboyante. Un vrai régal.

Mon prochain rendez-vous avec ce délicieux festival est du dimanche 27 juillet. On nous promet pour une clôture en beauté du festival, un duo baroque prestigieux (Julien Wolfs au clavecin et Myriam Rignol à la viole de gambe) pour des sonates de Corelli, Couperin, Marin Marais et sa Suite d’un goût étranger et du Bach dont la sonate pour viole de gambe et clavecin obligé en sol majeur 1027. J’en bave rien qu’y penser.

vendredi 4 juillet 2008

Ludovic Debeurme


Bon, je ne vais rien inventer puisque tout ce qui concerne Ludovic Debeurme est sur la toile, notamment sur Wikipédia : juste un petit coup de cœur pour cet auteur français de bande dessinée et illustrateur né en 1971 qui est aussi peintre, scénariste, guitariste jazz pour le plaisir. Wikipédia écrit sur lui «Ludovic Debeurme a fait depuis quatre ans une carrière remarquée dans le monde de la bande dessinée européenne. Fils d'un artiste peintre qui l'initie très tôt à la peinture et à l'art moderne, il expérimente l'art contemporain et ses différents médiums, installations, vidéo, multimédia après un enseignement universitaire en Arts Plastiques à La Sorbonne. Explorateur d'un monde onirique, autobiographe d'une narquoise candeur, il touche par un sens du bizarre qui le rapproche d'Edward Gorey et de Roland Topor et même de Jérôme Bosch ! Marqué par la psychanalyse pour la liberté qu'elle offre dans l'exploration onirique, il travaille sur l'autobiographie et l'expression des fantasmes, transfigurés par un traité graphique épuré et un goût profond des jeux de l'enfance. Illustrateur de presse très demandé, Ludovic Debeurme vit aujourd'hui à Paris». Voilà.

Son dernier ouvrage «Le Grand autre» (édition Cornelius) est une pure merveille, plus que Lucille (éditions Futuropolis) que j’ai moins apprécié.

«Le Grand autre», c’est Louis, adolescent un peu mélancolique et très gauche avec une jambe de gauche en bois, des yeux dirigés vers l'intérieur (qui l’oblige à porter des lunettes spéciales mais qui lui vont très bien), et qui réussit à se faire pousser des ailes, bref, un adolescent qui ne ressemble pas aux autres écoliers qui l’évitent, sauf Celia, autre adolescente un peu spéciale, gothique et intelligente…

On retrouvera ensuite notre Louis en compagnie d’insectes, d’oiseaux, de trois rats bien gras…
L’univers Ludovic Debeurme mêle poésie surréaliste, grande maîtrise du tracé et de l’espace visuel ainsi que du récit. Son dessin est donc simple mais sublime, instantané mais minutieux, presque proche de la gravure. Tout semble avoir un aspect intemporel...à lire avant de se coucher (ce que j’ai fait hier soir et j’ai rêvé toute la nuit des personnages et de l’univers de «Le Grand autre» !).


jeudi 3 juillet 2008

Crise du pouvoir d’achat ? connais pas !


Trouvé dans le dossier de proposition de la croix de la Légion d’honneur du sieur Antoine-Léon Béville, né à Paris le 20 janvier 1834, décédé le 7 janvier 1899, commis principal à la Grande chancellerie de la Légion d’honneur, cet extrait de son registre matricule (LH/3193).

Surnuméraire, le 1er janvier 1854

Expéditionnaire, le 1er janvier 1855, aux appointements de 600 francs
idem, le 1er juillet 1855, 900 francs
idem, le 1er janvier 1856, 1100 francs
idem, le 1er juin 1856, 1200 francs
idem, le 1er juin 1857, 1300 francs
idem, le 1er janvier 1859, 1500 francs
idem, le 1er octobre 1859, 1600 francs

commis d’ordre le 1er janvier 1862, 1900 francs
idem, le 1er mai 1863, 2000 francs

commis de 2e classe, le 1er janvier 1864, 2100 francs
idem, le 1er juin 1865, 2200 francs
idem, le 1er avril 1866, 2300 francs
idem, le 1er septembre 1866, 2400 francs
idem, le 1er avril 1867, 2500 francs

commis principal, le 10 mars 1868, 2600 francs
idem, le 1er janvier 1869, 2800 francs
idem, le 1er août 1869, 2900 francs
idem, le 1er juin 1870, 3000 francs

(et ainsi de suite jusqu’au 16 mai 1892)

idem, le 16 mai 1892, 4100 francs

Admis à faire valoir ses droits à une pension civile de retraite à compter du 1er février 1894.

On remarquera donc que tous les ans, la fiche de paie de notre commis augmentait de 100 francs! imaginez notre fiche de paie se valorisant de 100 euros par an ?…mais faut pas rêver! nous ne sommes plus entre 1855 et 1892!

mercredi 2 juillet 2008

Une lettre anonyme sur le vol de la Joconde


Nous retrouvons souvent des lettres anonymes dans les archives (lire notre billet précédent sur les lettres adressées par un curé). Celle-ci touche une affaire évoquée la semaine dernière sur le service de l’anthropométrie judiciaire (lire ce billet).

A. Briand, alors ministre de la Justice, reçoit à son adresse particulière, cette lettre anonyme non datée (bourrée de fautes) envoyée le 5 mars 1912 (et reçue le 7 mars) sur le vol de la Joconde et qui accuse l’antiquaire Weil mais dont on connaît le dénouement (il s’agissait du laveur de carreaux Perruga, dossier dans BB/18).

«citoyen Briand votre administration se dégrade de plus en plus, les faits scandaleux le démontre (sic) péremptoirement et l’affaire de la Joconde par le gendre de l’anticaire (sic) Weil et son frère Lucien domicilié 9 Bd d’Argenson en sont la preuve indéniable. J’en fis aussitôt part à Dujardin avant tout bruit de presse, il gardait un prudent silence lors des interpellations, je renouvelai mes démarches auprès de Charles Benoist de Lépine de Jaurès [et] tous se récusèrent prudemment. Cependant sans erreur possible c’est entre les mains de ces hommes vils juifs…que se cache notre chère merveille et qu’il était alors si facile d’y retrouver mais l’incurie et la mauvaise foi de votre administration si connue de toutes les victimes judiciaires a préféré se cacher sous la honte du devoir méconnu et laisser courir en des lieux plus hospitaliers cette douloureuse et irréparable perte. Quelle honte quelle tare dans vos consciences si complètement déprimées et qui vous font dénomer (sic) si véridiquement la ligue judiciaire contre les honnêtes gens, etc.

(...)

[et on signe] un témoin oculaire [et on n’oublie pas de préciser au cas où…] indépendant du vol de la Joconde.

On retrouvera plus tard la Joconde en Italie…

mardi 1 juillet 2008

Ben Tayoux ou "vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine"

Dans les dossiers de demandes de la croix de la Légion d’honneur, cette pathétique lettre de Ben Tayoux, compositeur de musique, à Poincaré, président de la République, en date du 15 novembre 1913 (LH/3192).

Ben Tayoux ? C’est l’auteur méconnu d’un des chants patriotiques certainement le plus connu et le plus symbolique sur l'Alsace Lorraine, écrite par Villemer et Nazet et mis en musique par lui vers 1873, vibrante de patriotisme. Souvenez-vous du refrain :

«Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine,
Et, malgré vous, nous resterons français,
Vous avez pu germaniser la plaine,
Mais notre cœur vous ne l'aurez jamais

Ben Tayoux a touché à tous les genres : chant national, chant satirique, chant de joie, chant dramatique, chant d’église aussi, élégie, romance en tout genre, chansonnette évidemment, berceuse également, etc. Le catalogue général de ses œuvres (plus de 800) dédicacé pour le général Faidherbe en 1868, se trouve dans ce dossier.

Dans son dossier aussi, ces quelques extraits des journaux et d’opinions de la presse en général : en 1867 «c’était transportant, on voulait le porter en triomphe», en 1887 «si Mozart, Chopin, Beethoven l’entendaient, ils découvriraient des beautés nouvelles dans leurs œuvres», en 1892 «son doigté saurait ravir l’auditoire le plus difficile», en 1894 «on voudrait que ça dure toujours de l’entendre», etc.

Le samedi 15 novembre 1913, il mettra 3 heures pour écrire cette lettre au président de la République :


«Monsieur Poincaré, au président de la République française
J’ai 73 ans et demie, j’ai l’hémiplégie depuis 3 ans 1/2, j’écris fort difficilement de la main gauche depuis 2 ans, pardonnez donc, mon orthographe et mon écriture.
Donc, j’attends depuis 42 ans, la croix de la Légion d’honneur

(…)

Et voilà 30 ans passés que j’attends que mon dossier est archi complet à la chancellerie et que M. Millerand (que je ne connais pas) étant dernièrement ministre de la Guerre, a fait tout le nécessaire pour ça. On m’a appelé à la mairie de Courbevoie pour donner des détails.
Je viens donc m’adresser à vous monsieur le Président, maître de tous, avant de mourir bientôt pour mes innombrables productions qui ont tous la réputation universelle dont l'Alsace et la Lorraine, vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine, montrent les cœurs français (…).
Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine, et, malgré vous, nous resterons français.

[et il signe] Le français Bordelais [Louis-André-Frédéric Ben Tayoux est né à Bordeaux le 14 juin 1840]

[puis finit par] j’ai mis 3 heures pour écrire cette lettre […pour rien finalement puisqu’il n’a pas obtenu ce qu’il désirait…].

La petite histoire pourrait donc s’intituler Ben Tayoux, «vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine» et on lui répond Ben Tayoux, «vous n'aurez pas la croix de la Légion d’honneur !»

juillet, début

loin des ombrelles de soie
loin des houppettes odorantes
et des bouquets d’étamines aux tabliers des psylles
le ciel se couvre d’une chevelure de pollen
et nonchalantes et emplumées
les griffes sont panachées de soufre : voici l’albizia

des cheveux en guise de feuilles
les yeux lourds couleur de cuivre
au fond d’une boîte de fumée
face à un buisson d’oranges brûlantes
et son ombre de rouille lourde pareille
à une fille de verre de roche : voici le cotinus