lundi 11 août 2008

La place de l'Étoile

(supplique de Hittforff)

Après la tour Eiffel, œuvre d'un certain Gustave Bonickausen, sujet français, mais qui demande le 30 octobre 1878, le changement de son nom, ayant "une consonance allemande (…) et qui peut [lui] causer soit individuellement, soit commercialement, le plus grand préjudice" en Gustave Eiffel (BB/11/1473 dossier 3121x78) (lire ce billet), voici un autre grand architecte né le 20 août 1792 (ou 1793) à Cologne (alors dans le Nord-Rhénanie et Westphalie, département français de la Roër, et aujourd'hui en Allemagne évidemment), et décédé le 25 mars 1867. D'abord sujet français (la Rhénanie et donc la ville de Cologne étant annexée de la Rhénanie par la République française en 1794), Hittorff devient étranger en 1814 après la chute de l'Empire (Cologne étant alors été rattaché au royaume de Prusse).

Charles-Jacques ou Jacques-Ignace Hittorff (les deux variantes des prénoms sont indiqués dans son dossier) est un architecte remarquable. D'après son dossier, il entre en 1810 à l'École des Beaux-Arts à Paris et travaille dans l'atelier de Charles Percier puis participe à la construction de la coupole métallique de la Halle aux Blés. Il est aussi attaché aux Menus Plaisirs du roi en qualité de dessinateur (en fait il participe de la décoration des nombreuses fêtes et cérémonies royales). En 1832, on le charge de l'aménagement de la place de la Concorde et il dirige la construction du Cirque d'hiver en 1852, mais il est plus connu pour avoir aménagé, en 1838, les Champs-Elysées ainsi que la place de l'Étoile et la place de la Concorde (avec l'obélisque de Louxor) telles que l'on peut encore les apercevoir aujourd'hui avec les réverbères (toujours en place), et surtout des immeubles situés autour de la place de l'Étoile.

Le 22 avril 1816 il écrit au roi la supplique suivante (dossier 1999B3, BB/11/114/1).

"Au Roi.
Sire,
Charles, Jacques Hittorff, né à Cologne, ancien département de la Roër, le 20 août 1793 [? pour 1792], résidant à Paris depuis 1810 où il a l'honneur d'être attaché aux Menus Plaisirs de Votre Majesté en qualité de dessinateur d'architecture où il a remporté plusieurs prix.

Supplie très humblement Votre Majesté de daigner l'admettre à établir son domicile en France et à y jouir de tous les droits civils [l'admission à domicile est une procédure qui abouti à un décret mais qui précède la naturalisation conférant alors aux citoyens "admis" les mêmes droits politiques et le même statut civil que les Français, en général la majorité des personnes qui ont bénéficié de ce décret ont ensuite été naturalisées].

Le suppléant est avec le plus profond respect,

Sire

De votre Majesté, le très humble, très soumis et très fidèle sujet [et il signe].

Ce dossier (11 pièces) ne contient pas son état-civil mais des pièces justificatives, un rapport sur lui, des lettres de recommandation (dont le duc d'Aumont), sa supplique, un reçu du Trésor public pour la somme de 122 F (droits du sceau et de son enregistrement), etc.

Finalement par une décision royale du 23 juin 1842, il redevient français.

Hittorff n'est pas le seul architecte d'origine prussienne exerçant à Paris. En 1825, Chrétien-François Gau, moins connu que Hittorff, demande aussi ses lettres de naturalité, étant né à Cologne en Rhénanie le 15 juin 1789 (rappelons que la Rhénanie fut annexée en 1794). En novembre 1810 il quitta Cologne pour achever ses études à l'Académie d'architecture où il fut admis en 1811. Après des voyages en Sicile et en Égypte il fut nommé "inspecteur des bâtiments des hospices" (équivalent d'architecte diocésain) le 28 janvier 1824. Comme son compatriote, Gau redevient français par ordonnance royale du 31 mars 1825 (dossier 2761B6, BB/11/232).

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