mardi 19 août 2008

Le Serment du jeu de paume

(registre ouvert au Serment de jeu de paume)

Bon, je passe sur l’éternel débat de la pièce d’archive (pièce unique et originale et donc irremplaçable) soit comme témoin historique d’une période, comme support de l’étude diplomatique et comme nécessaire à la recherche administrative, etc., soit comme «œuvre d’art» (on dira aujourd’hui comme «produit culturel» qui rapporte des sous).

Longtemps on pensa que les documents originaux ne pouvaient présenter d’intérêt que pour les chercheurs (on disait à l’époque «des érudits»), capables d’en utiliser la substance. Puis, cette tendance élitiste s’atténua lentement au gré des changements de mentalité et de l’intérêt suscité par la recherche familiale (tous les services d’archives sans exception sont fréquentés quotidiennement par une horde de généalogistes) ainsi par la nouvelle pédagogie enseignée dans nos écoles où l’attention est dorénavant donnée à la pratique qui prévaut sur la théorie, et c'est ainsi que les élèves des collèges et lycées hantent hebdomadairement les ateliers dits pédagogiques des services d’archives…
Bref, on présentera dès lors le document d’archives au même titre qu’une estampe, un dessin, un tissu ou une toile, et l’archive devient malgré tout une «œuvre art».

C’est en 1861 que Léon de Laborde ouvrira le premier musée sigillographique dans l’hôtel de Soubise nouvellement restauré pour y exposer des moulages de sceaux afin «exciter la curiosité» de ses contemporains. Le musée paléographique s’ouvrira plus tard, suivi du musée des Archives en 1867, l’année même de l’Exposition universelle.

Et le succès répondit aux attentes. Des conférences paléographiques y furent prononcées tous les jeudis devant 1800 documents disposés dans de monumentales vitrines garnies d’ornements dorés. «On sort des Archives comme on sort du Louvre» se serait écrié Jules Claretie en 1877 dans son feuilleton du Journal officiel (sources : Manuel d’archivistique, 1970, page 657).

Le ton était donné, c’était la première fois qu’on ouvrait un musée au sein d’un grand dépôt d’archives et tous les services départementaux suivront cette tendance, le thème choisi étant généralement (et invariablement) l’histoire locale illustrée par des documents iconographiques tirés des différentes séries en les présentant d’une façon attrayante de façon à pouvoir illustrer une anecdote régionale, un personnage emblématique ou encore un enseignement institutionnel voire diplomatique ou paléographique puisqu’il fallait satisfaire une grande variété de public tout en variant judicieusement les différents supports (parchemins, sceaux, estampes, cartes et plans, rouleaux de papiers, etc.) mais aussi les objets (maquettes, poinçons d’orfèvres, échantillons de tissus, pièces à conviction, etc.).

J’ai eu la (mal)chance de voir un «retour d’exposition» qui m’avait gâché la journée à l’époque. On m’avait présenté le fameux «Serment du jeu de paume» original (initialement coté AE/I/5 n°3 bis puis AE 1086 dans l'exposition permanente sur la Révolution en 1989 mais anciennement conservé dans la série C des procès-verbaux des séances des Assemblées nationales), il s’agit d’un registre de 47 folios, relié de maroquin rouge avec des fers aux emblèmes de l’Assemblée prêté depuis fort longtemps au Musée de l’Histoire de France et resté invariablement exposé au public à la page de la séance du 20 juin 1789 (la fameuse séance de ce célèbre serment que firent les députés Barnave, Mounier, Target et Le Chapelier à l'assemblée tenue dans l'église paroissiale Saint-Louis de Versailles, de ne pas se séparer avant d’avoir donné une constitution à la France)…

Sous l’effet des rayons lumineux naturels et artificiels, cette page du registre est à jamais perdue (l’encre s’est évaporée, l’écriture est pâle, presque illisible), l’ampoule qui l’avait éclairée des années durant n’était sûrement pas de verre incolore ni ne contenait un pouvoir filtrant les ultra-violets. La salle qui avait abrité ce registre avait été trop exposée à la lumière naturelle qui est extrêmement nocive pour les documents, les fenêtres n’avaient sûrement pas été obturées ou n’avaient pas été maintenues dans l’obscurité les jours de fermeture ; la vitrine où il était exposé n’avait sans doute jamais été recouvert de tissus opaques ou la quantité de lumière sur le document (mesurable grâce à un luxmètre) n’avait pas été mesurée correctement (au reste, on ne s’en préoccupait guère à l’époque !)…

Quoi qu’il en soit, voici un document fondamental de notre histoire que l’on ne verra jamais plus dans sa version originale et ne pourra jamais plus être étudié que dans sa version électronique…à espérer que ce registre soit numérisé ou dématérialisé dans sa totalité? j’en suis pas vraiment sûr, à l’heure où nous entrons de plein pied en récession, à l'heure où les caisses de l'État sont vides et que le gouvernement ou le cabinet de l’Élysée (c’est devenu pareil aujourd’hui au point où on se demande encore à quel moment va-t-on nous annoncer le début du Consulat à vie !) et qui, par ailleurs dépensent à tour de bras, nous obligeant à des économies de bouts de chandelles...

Le Serment du jeu de paume n’est hélas pas le seul document en très mauvais état…

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Aaaahhhh ! Quoi ??? Le serment s'est évaporé ? LE serment ??? Disparau dans l'encre invisible ??? Moi j'croyais que y'avait que les paroles qui s'envolaient. Encore une idée reçue qui fiche le camp ! Bon bin tu sais ce qu'y te reste à faire : le réécrire. Et tant que tu y seras, tu fais en vers, s'te plait, ça aura meilleure allure. :)

DA a dit…

Eh oui, l'encre est passée comme on dit, va falloir être attentif dorénavant si on veux exposer au public des documents uniques...que l'on peut difficilement mettre en vers chère Kodama, mais on peut toujours essayer (!).